Paz Corona, Je peins surtout avec mon corps
Résonances – Jusqu’au 14.08 – Galerie du Canon – Toulon
Paz Corona, née à Santiago du Chili est artiste peintre et psychanalyste. Elle est représentée par la célèbre galerie parisienne Les Filles du Calvaire à Paris, qui a prêté ses toiles à la galerie toulonnaise la Galerie du Canon à l’occasion de leur exposition Résonances, où elles cohabitent avec les oeuvres de Caroline Vicquenault et Corinne Mercadier. Ses oeuvres représentent uniquement des femmes hors de tout contexte, laissant le soin au spectateur de percer leurs secrets.
Pourquoi vos modèles sont-ils uniquement féminins ?
C’est au-delà du choix intentionnel. Je suppose que c’est parce que je suis une femme, et que ce que je connais le mieux c’est le féminin, les femmes féminines. Mais ce qui se passe dans la tête des gens, on n’en sait rien. Ces personnages sont pensifs, ce qui se passe dans leur tête c’est leur univers. Ces femmes me regardent, mais ce qui les regardent elle, c’est également le monde masculin. Ce qui se passe hors champs n’est pas montré mais est là, dans l’acte du peintre.
Comment expliquer que ces corps évoluent sur des espaces vides, sans contexte ?
Encore une fois, il n’y a pas d’intention dans ce que je produis en peinture. Ce qui me semble se déployer d’année en année, évolue dans son propre monde. Ce n’est pas un monde qui se raconte, mais qui s’imagine. Ce que je fais, je ne le pense pas. Ça s’impose, et ce qui s’est imposé pour moi, c’est un corps qui s’éprouve. Quand on peint, on le fait aussi avec son corps. Je peins surtout avec mon corps. Ce ne sont pas non plus des autoportraits, ce sont simplement des états et des événements.
Quel est votre processus de création ?
C’est assez simple. Là, je suis au Japon. Je vois se déployer de manière assez enchantée ce qui se passe dans la peinture. Ici, c’est le geste qui importe. De même ma peinture vient du geste. C’est pour cela que j’aime peindre des grands tableaux. Quand quelque chose a été posé, ma tambouille c’est que je vais chercher dans mes souvenirs, dans ma tête, ça peut être un photographe, ou des classiques : un Manet, un Velázquez, un Rodin, un Michel-Ange. Pour les postures, ce sont des réminiscences, car je n’ai pas de modèle. Je pense à des lumières, des ambiances, ça se stratifie. Parfois ça peut provenir d’un film. Jean Luc Godard disait qu’il faisait des films de peintre. Le peintre est proche de celui qui écrit, mais avec le geste, de manière japonaise.
Vous peignez uniquement des visages et des corps, c’est en lien avec votre autre métier de psychanalyste ?
Le métier c’est étymologiquement ce que l’on met au travail tous les jours. Mon métier à tisser est celui du langage. Ma formation analytique, lacanienne, me traverse. Pour moi, la psychanalyse est un style de vie. Mon métier à tisser, ce sont les mots, pour venir qualifier des corps, ce que l’on ressent. J’aime les récits des gens quand ils voient la peinture. Ce qui me touche est de produire du langage chez l’autre. Comme disait Duchamp, « le spectateur fait l’œuvre ». On crée du savoir à partir d’une image, c’est cela qui m’intéresse. Donc en effet mon métier d’analyste est la source de ma peinture. J’ai commencé à peindre à partir d’un rêve que j’ai fait, où je voyais mon visage. Le visage est quelque chose qui permet de se représenter, de se nommer. Mon inconscient est tissé d’images et de peintures.
Que pensez-vous du choix des œuvres à Galerie du Canon ?
C’est le choix du curateur Gilles Altieri, et je l’ai aimé. Lorsque ma galerie Les Filles du Calvaire m’a parlé de la demande de la Galerie du Canon, j’étais ravie. J’ai commencé à peindre professionnellement à la demande de quelqu’un et c’est devenu quelque chose qui s’est déterminé comme une évidence. C’est un certain panel intéressant à montrer. Mais il n’y a pas de période chez moi. Cela m’intéresse de voir que ce qui se déploie dans le temps fait série.