Petru Guelfucci – La voix de l’Île de Beauté.
01.02 – Palais Neptune – Toulon
Figure emblématique du renouveau de la polyphonie corse, Petru Guelfucci fera raisonner les chants de son île bien aimée au profit de l’association « La Cour des Miracles Compagnie ». Les fonds récoltés lors de ce concert de bienfaisance financeront des ateliers d’improvisation théâtrale, dans des écoles, permettant de réduire les violences scolaires, d’augmenter l’empathie, l’estime de soi et de favoriser l’insertion.
Vous avez beaucoup oeuvré pour le patrimoine culturel corse, quelles sont vos motivations ?
Derrière le chant corse, il y a la langue corse. Aujourd’hui l’état français ne veut pas entendre parler de langues dites minoritaires. Il se cache derrière la constitution française qui dit qu’il n’y a qu’une seule langue. Hors, la France est une mosaïque de peuple différents. Le fait que cette réalité soit niée m’a toujours révolté. Il n’y a pas que les corses, il y a les basques, les bretons, les occitans… A un moment l’état sera bien obligé de reconnaître ces langues et cultures. Quand j’étais jeune, je n’avais qu’à tendre l’oreille, tout le monde chantait. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, la plupart de la population se retrouve en milieu urbain, et nous devons aller vers les jeunes et les écoles pour transmettre. Alors qu’avant c’était naturellement transmis dans les villages. D’où l’urgence de la reconnaissance pour ne pas disparaître. Nous avons donc fait le nécessaire pour placer le chant polyphonique corse sur la liste de sauvegarde d’urgence.
Quel serait votre message pour les générations à venir ?
Il n’y a pas une langue meilleure ou moins bien qu’une autre, simplement des langues qui existent et qui méritent que l’on s’y arrête. Si on devait tous s’habiller de la même façon, si on était tous identique, la vie serait monotone. Voilà ce que je leur dis : nous avons une culture, des traditions, défendons-les, et soyons en fiers. Et je dis la même choses aux autres peuples, soyez fiers de ce que vous êtes, défendez votre culture et patrimoine. Mais sans nier les autres, sinon ça deviendrait un monologue (rires). Ça devrait être naturel pour tous les peuples.
Quelles sont les particularités du chant corse ?
C’est rare que l’on chante droit. En polyphonie, nous avons les ornementations : c’est l’art et la manière d’embellir, de varier et d’amplifier une ligne mélodique. Nous appelons cela « Paghejella ». Nous avons également une modulation unique que l’on appelle le « Ricuccate ». C’est cette manière de rouler la voie, qui sort de l’ordinaire et qui n’est pas la même que dans d’autres polyphonies. Les savants ont appelé ce phénomène de manière plus générale le mélisme : c’est une figure mélodique de plusieurs notes portant une même syllabe. On n’en connaît pas l’origine, comme diraient les anciens, c’est un chant qui se perd dans la nuit des temps. Tous mes frères et mes sœurs chantaient ces chants, sacrés ou profanes. Mon oreille s’y est formée dès que j’étais dans le ventre de ma mère. Ça a toujours fait partie de mon quotidien.
Quand avez vous décidé de vous lancer en solo ?
En 1975, nous avons créé le groupe Canta U Populu Corsu qui a remis la polyphonie à sa place et qui s’est accompagné d’une revendication plus politique, et nationaliste, et a duré plus de quinze ans. J’ai enregistré mon premier disque en solo en 87. Le succès aidant, j’ai continué. Aujourd’hui j’en suis à six albums. Mais je ne me considère pas chanteur professionnel : je suis agriculteur, tout comme mon fils qui chantera avec moi sur scène. Il y a un temps pour tout. J’ai un certain succès au Québec et une année on m’a proposé une tournée en octobre. J’ai répondu que ce n’était pas possible, le mois d’octobre est la période où je ramasse les châtaignes et fais la farine. On ma dit traité de fou. Mais non, mon équilibre est en corse, et je suis avant tout agriculteur.