Philippe Berling – Le tout premier G5 de l’Histoire.

Théâtre Musical

« Le G5 du Drap d’Or »
Jeudi 2 et Vendredi 3 décembre à 20h
Studios du Baou – Châteauvallon
Scène Nationale
Ollioules

 

L’événement du Camp du Drap d’Or, cette rencontre entre Henri VIII et François Ier qui eut lieu en 1520, près de Calais intéressait Luc depuis longtemps. Non seulement il s’est déroulé dans sa région d’origine, mais il a également donné lieu à d’importantes célébrations, et donc, à de nombreuses musiques. Il n’en fallait pas plus pour donner l’envie à notre directeur artistique de créer un spectacle musical, et c’est à Philippe Berling qu’il a confié son écriture et sa mise en scène.

Comment s’est passée votre rencontre avec Les Voix Animées, et qu’est-ce qui vous attirait dans ce projet ?
Nous nous sommes connus au Liberté, alors que je les avais programmés. Par la suite, ils m’ont demandé si mettre en scène ce spectacle m’intéressait. C’était en 19, j’étais déjà en Bourgogne. À l’époque, ils souhaitaient fêter l’anniversaire de l’événement de 1520, le Camp du Drap d’Or, une rencontre entre François Ier et Henri VIII, avec de grandes fêtes incroyables. C’est un moment historique intéressant, juste après l’avènement de Charles Quint, en tant qu’empereur du Saint-Empire romain germanique, au nez et à la barbe de François Ier. Nous n’avons pas pu créer le spectacle en 20, bien sûr, alors j’ai eu cette idée de créer un G5 avec les grands de l’époque, François Ier, Henri VIII, Charles Quint, le pape de l’époque Léon X, et un invité-surprise, Soliman le Magnifique qui vient d’accéder au trône ottoman et qui créera une alliance stratégique avec François Ier. Le pape est très fâché de cette alliance avec des musulmans. Nous faisons bien entendu allusion à nos dirigeants : Macron, Merkel, Johnson, Erdogan, et nous amusons en plaçant des anachronismes, comme le café, introduit en réalité un siècle après par les musulmans à Vienne. C’est à partir de là que les pâtissiers viennois ont créé des pâtisseries pour aller avec le café, et avec la forme du croissant du drapeau ottoman, pour se moquer d’eux. Étaient nées les viennoiseries… La rencontre du Drap d’Or s’était faite près de Calais, alors territoire anglais, mais nous l’avons placée en terrain neutre, sur une île. Les morceaux ont été choisis en rapport avec la narration, certains sont sur le thème de la guerre, d’autres du voyage… Ces souverains étaient plutôt artistes également : « Green Sleeves », un des morceaux les plus connus de l’époque est une composition d’Henri VIII, Soliman était poète. Nous avons aussi introduit des quiproquos de traductions intéressants, Soliman parlait cinq langues mais ni anglais ni français. François Ier l’invite et est son traducteur. Il traduit mal intentionnellement disant que Soliman est son allié alors que le sultan avait dit vouloir rester neutre. Henri VIII, lui, a passé son temps à hésiter entre François Ier et Charles Quint, et finalement, après un combat à mains nues perdu à la fin du Camp du Drap d’Or contre le souverain français, qui était un colosse de près de deux mètres, il s’alliera à Charles Quint. Il y a aussi un côté vacances, ils se racontent des blagues, il y a des histoires d’amour… Une anecdote réelle que l’on reprend : François Ier a été prisonnier de Charles Quint pendant un an. Celui-ci a fait baisser la porte de sa geôle pour que, lors de sa libération, François Ier, doive se prosterner devant lui. Qu’à cela ne tienne, le Français est sorti en marche arrière, et lui a donc montré son cul ! Moi, je lui fais dire qu’il s’est tourné pour faire face à Rome (rires)… Autre événement important : Barberousse, un célèbre pirate, devenu roi d’Alger, est l’amiral de Soliman, et après l’accord passé avec François Ier, sa flotte a passé tout un hiver à Toulon dans les années 1530. Toute la ville a été évacuée de sa population, sauf les chefs de famille, et les gens ont laissé leurs maisons aux musulmans. La cathédrale est même devenue une mosquée. À la suite de ça, les Toulonnais n’ont pas payé d’impôt pendant quarante ans. Cet événement n’a pas plu du tout à Charles Quint, qui était très chrétien.

Comment appréhendez-vous cette mise en scène, et quelle est la particularité de travailler pour un ensemble polyphonique ?
C’est du théâtre musical. J’ai fait des mises en scène d’opéra et de comédies musicales, c’est similaire, avec des parties parlées et d’autres chantées. Là ce qui est plus compliqué, et ce sera l’objet des répétitions d’octobre, c’est que c’est de la polyphonie : ils chantent tous la même chose. Dans les parties parlées, chacun incarne un personnage parmi ces souverains qui découvrent le G5, le tout premier de l’Histoire ! Alors que quand ils chantent, ils jouent tous le même personnage. J’ai écrit le texte pour que le public comprenne, et j’ai trouvé un dispositif : quand ils chantent, ils mettent tous le même chapeau, qui représente le personnage qui chante. Je me suis aussi intéressé à la période, j’ai lu un certain nombre d’ouvrages sur l’époque, notamment sur cette alliance franco-ottomane et sur ce Camp du Drap d’Or. Je vais également utiliser des objets, dont un rhinocéros, car le roi du Portugal en avait offert un à Léon X. C’est ce rhinocéros qui a été dessiné par Dürer en 1515 dans son célèbre tableau. J’aurai le plaisir de revenir à Toulon, de voir Charles et mes quatre autres frères et sœurs.

Juillet 2021