Philippe Granarolo, Nietzsche est en avance sur notre époque

11.05 & 12.05 à la Fête du Livre – Hyères

 

Ancien professeur de philosophie en classes préparatoires, et adjoint à la Culture de la mairie de la Garde, Philippe Granarolo a consacré sa vie à l’étude du philosophe Friedrich Nietzsche. Il sort son nouvel essai : « En chemin avec Nietzsche » qu’il dédicacera à la Fête du Livre de Hyères.

 

Comment est née votre passion pour Nietzsche ?
En classe terminale « J’ai lu ainsi parlait Zarathoustra », puis je me suis tourné vers Heidegger sur lequel j’ai fait ma maîtrise. Mais je suis passionné de mon époque et avec Nietzsche, j’avais l’impression de ne pas la quitter. Il est même en avance sur notre époque, avec ses thèmes du progrès de la connaissance, du déclin des valeurs, de la crise de la culture…

Ce nouvel ouvrage est une compilation de vos différents articles sur le philosophe, est-ce un aboutissement ?
Ces articles étaient introuvables aujourd’hui, le plus ancien ayant quarante ans. J’ai regroupé une partie de mes articles, quatorze sur quarante en retenant les plus introductifs. C’est un livre pour ceux qui veulent s’initier à sa pensée. Je parle de ses grandes thématiques, mais les spécialistes peuvent aussi approfondir tel ou tel thème. J’ai un projet de roman depuis des années. Il est ancré dans l’histoire avec un important travail de documentation. J’aimerais écrire une trilogie, c’est un grand projet, qui marchera ou non. Je vais donc provisoirement quitter la philosophie, au sens étroit, pendant quelques années, même s’il y aura de la philosophie dans le roman évidemment. Mais il se peut que j’y revienne selon mes envies. J’ai notamment en projet une comparaison entre Spinoza et Nietzsche.

Nietzsche a été accusé d’avoir inspiré les nazis, est-ce une légende ?
J’en parle dans « le surhomme », une conférence donnée à un Thèm’art en présence de Luc Ferry. D’où viennent ces contresens, ces fantasmagories ? La sœur de Nietzsche était très liée au groupe des premiers nazis, à Hitler, et elle a voulu faire pénétrer ses idées dans le nazisme. Mais c’est un contresens total. Si les nazis avaient lu réellement Nietzsche, ils auraient brûlé ses livres. Il n’aime pas les allemands, ni l’armée, ni l’Etat et a horreur des antisémites ! Sa sœur a écrit un faux texte, qui est une caricature radicale. Même quand j’ai commencé mes études, dans « L’histoire de la philosophie » d’Emile Bréhier, il y avait seulement vingt lignes sur Nietzsche, et il disait que c’était probablement le philosophe du nazisme. Pourtant il suffit de lire ses titres : «Au delà du bien et du mal »… On ne revient pas en deça de la morale, on va au delà. Elle a été nécessaire pour nous civiliser, mais il faut que l’homme ait confiance en ses capacités, qu’il s’épanouisse, mais, notamment à cause de la religion, l’homme se freine. Pour Nietzsche, le modèle d’être humain est soit l’artiste soit l’enfant en train de jouer, on est très loin du nazisme !

Justement, pour lui la place de l’art est fondamentale…
C’est un des domaines où l’homme manifeste le mieux sa nature profonde. Il doit parvenir à créer sans être enfermé dans des normes excessives. Les Classiques, à leur époque, étaient des révolutionnaires. Dans toute l’Histoire de l’Art, nous avons fait des avancées importantes. L’artiste est un être humain accompli et il y a des trésors de créativité chez l’homme. Nietzsche est aussi un optimiste. Regardez ses titres : « Aurore », « le gai savoir ». Il pense que l’on peut s’améliorer fortement. On est très récents dans l’histoire de la planète. Les dinosaures ont duré soixante-dix millions d’année, nous n’en avons que trois ! Imaginez l’homme dans soixante-sept millions d’années !

Nietzsche est toujours très actuel et avant-gardiste ?
Il y a vraiment pour lui ce souci de raisonner à une grande échelle de temps. C’est très important, car aujourd’hui on vit à la minute, rythmés par les chaines infos. Et pour bien resituer les choses, il faut se réinscrire dans la temporalité de l’univers et de la vie, et ne pas se laisser piéger par le court terme.

 

Twitter de Philippe Granarolo