Philippe Petrucciani – Le jazz, une histoire de famille.
Festival de Printemps à Barjols du 16 au 18 mai
À l’occasion du tout premier Festival de Printemps de Barjols, le guitariste varois Philippe Petrucciani se produira le 16 mai en duo avec la chanteuse Nathalie Blanc. Ensemble à la ville comme à la scène depuis trois décennies, ils présenteront leur dernier album « Let’s Have a Walk », une invitation musicale à la balade, entre jazz, pop et souvenirs. Entretien avec un musicien pour qui le jazz est aussi une histoire de famille.
Comment est née votre collaboration avec Nathalie Blanc, et qu’est-ce qui vous a donné envie d’enregistrer cet album ensemble ?
Cela fait plus de trente ans que nous faisons de la musique ensemble. En 2023, pour célébrer nos trente ans de mariage et de complicité artistique, on s’est dit : “Et si on se faisait un cadeau ?” Ce disque, c’est une sorte de rétrospective vivante, une réunion de tout ce qu’on a construit ensemble. Nous avions par exemple collaboré pour l’album « Remember Petrucciani », où Nathalie avait écrit des paroles sur des morceaux de mon frère Michel.
Comment avez-vous composé les morceaux de l’album ?
Chez moi, la composition vient toujours d’un jet. Une idée, une ambiance, et tout s’enchaîne. Ensuite, Nathalie ajoute les paroles. Parfois, c’est le titre qui déclenche tout. On voulait une balade au fil de notre histoire, et aussi de nos influences, d’où l’idée d’inclure des titres de la pop anglaise des années 70. On a revisité « Michelle » des Beatles, « I Know What I Like » de Genesis, ou encore un morceau de King Crimson. C’est ma jeunesse, mon adolescence. À l’époque, j’écoutais Yes, King Crimson, Crosby, Stills, Nash & Young… Ces groupes ont nourri ma culture musicale. J’ai voulu leur rendre hommage, à ma manière, en les passant au filtre du jazz.
Comment avez-vous abordé ces reprises ?
Je les ai choisies pour ce qu’elles racontent, souvent avec un message plus revendicatif que les standards jazz traditionnels. Ensuite, je travaille la mélodie, l’harmonie, le rythme. J’essaie toujours de ne pas faire une copie : je veux m’approprier le morceau, l’emmener ailleurs sans trahir son âme. Par exemple, « Michelle », je l’ai transformée en bossa nova. On garde la mélodie, mais on change tout autour. C’est comme ça que je conçois la reprise : pas un simple hommage, mais une recréation.
Pourquoi avoir choisi un format guitare-voix ?
C’est un format très exigeant. On est à nu. Contrairement au piano, qui peut facilement mêler accompagnement et improvisation, la guitare demande une alternance. Je veux participer pleinement, improviser, dialoguer. Et Nathalie, avec sa voix, fait souvent du contrechant, elle improvise aussi. C’est un équilibre, une conversation. Pour moi, deux grandes références du genre : Joe Pass & Ella Fitzgerald, et Tuck & Patti.
À quoi peut s’attendre le public lors de votre concert à Barjols ?
On va jouer l’album, bien sûr, mais aussi des morceaux tirés de « Remember Petrucciani », et quelques compositions issues de notre projet « Este Mundo ». Ce sera très libre, comme toujours : les morceaux tiennent sur une feuille, mais ce qui se passe autour, c’est de l’improvisation. Une fois, une enfant m’a dit : “Pourquoi le morceau dure plus longtemps que ce qu’il y a sur la partition ?” C’est ça le jazz. Ce sera un moment d’échange, on racontera nos histoires, on fera participer le public. En duo, c’est plus facile d’installer cette proximité.
Le jazz, c’est une histoire de famille pour vous ?
Oui, j’ai commencé la guitare à huit ans. Mon père, Tony, est guitariste. Il nous a initiés, mes frères et moi, au jazz de façon orale, non académique : il nous donnait les accords, nous disait d’écouter un disque, puis de rejouer. Wes Montgomery a été une immense influence pour moi. Nathalie a suivi un parcours similaire. Son père était saxophoniste professionnel et flûtiste classique. Elle a commencé par le piano, puis s’est tournée vers le chant. Elle a même pris des cours de piano avec mon père, c’est comme ça qu’on s’est rencontrés.
Que pensez-vous de ce nouveau Festival de Printemps de Barjols ?
Je trouve ça formidable que des festivals se créent, surtout dans un contexte où beaucoup disparaissent. La mairie de Barjols prend une belle initiative. Et jouer dans un lieu comme la Collégiale Notre-Dame de l’Assomption donne une couleur particulière à la musique. Je connais la difficulté d’organiser un festival : je suis moi-même à l’initiative d’un festival à Bauduen, au bord du lac de Sainte-Croix, dans lequel je jouerai le 28 juin, avec un hommage à Wes Montgomery.
Fabrice Lo Piccolo