Philippe Torreton – La pensée amérindienne et la poésie européenne au secours de l’urgence climatique.

>> « Nous y voilà » au théâtre Jules Verne à Bandol le 12 octobre.

Entre musiques électroniques et traditionnelles, jouées par Richard Kolinka, ex-batteur de Téléphone, et Aristide Rosier, Philippe Torreton déclame des textes empruntés aux cultures amérindiennes, de Sitting Bull à Seattle, et des poèmes d’auteurs européens, de George Sand à Ronsard, pour faire résonner une vision de la nature et nous sensibiliser à l’urgence climatique.

Quel rôle doit jouer l’art dans la lutte écologique ?
C’est un spectacle qui rapproche la pensée, et le rapport à la nature, des Indiens d’Amérique du Nord de celle des poètes européens. L’écologie est une conclusion du spectacle, mais nous avons surtout voulu mettre en lumière les liens entre Sand ou Ronsard et Sitting Bull, entre les poètes amérindiens d’aujourd’hui et les européens, montrer que nous, nous avons perdu ce lien à la nature, mais pas eux. Je pense que l’art a un rôle à jouer, mais l’art a de toute façon à voir avec tous les sujets, avec tout ce que nous traversons, en bien ou en mal, urgent ou non.

Comment se rejoignent les textes des poètes que vous avez choisis et ceux des indiens d’Amérique ?
Avec Richard Kolinka et Aristide Rosier, nous avions envie de mettre l’écologie au cœur d’un projet. Je me suis mis à rechercher des textes. Depuis toujours, j’ai une passion pour la pensée indienne, pour ces sociétés que l’on a fait passer pour des sauvages alors que ce sont de vraies civilisations avec une pensée et une organisation abouties. Mais, quand on veut prendre sa terre à quelqu’un, mieux vaut le faire passer pour un sauvage. En rassemblant des textes de poètes qui interrogeaient le rapport à la nature, j’ai été frappé de voir les correspondances. Une colonne vertébrale s’est dessinée, autour d’un texte que l’on attribue parfois à Sitting Bull, parfois à Seattle, un long discours adressé au président Cleveland, au XIXème siècle, qui explique la différence entre les hommes blancs et les Indiens, en ce qui concerne la nature. Ce spectacle est une sorte de long slam, entre concert, théâtre et poésie. On peut citer ce poème de George Sand, qui a dit : « La nature est tout ce qu’on voit, tout ce qu’on veut, tout ce qu’on aime, tout ce qu’on sait, tout ce qu’on croit, tout ce que l’on sent en soi-même », et ça, se considérer comme faisant partie de la nature, ça pourrait être une parole indienne. Quand Ronsard invite à arrêter de couper du bois dans la forêt de Gâtine car il estime que des nymphes y vivent, c’est ce que dit le chef Seattle : « La sève qui coule dans les arbres transporte les souvenirs de l’homme rouge ». La plus grande erreur de nos sociétés modernes est de s’être séparé de la nature et d’avoir considéré qu’elle était exploitable. Si l’on avait continué à penser comme les Indiens que nous ne sommes pas extérieurs mais intimement liés à la nature, nous n’en serions pas là aujourd’hui. Un lapin a autant sa place qu’un être humain et si je dois le tuer car j’ai faim, je dois respecter cette vie que j’ôte en la consommant entièrement. Aujourd’hui nous ne respectons plus et nous gâchons : pour un kilo de viande acheté, nous en jetons un autre kilo, périmé.

Pouvez-vous nous décrire la musique jouée au plateau ?
Richard assure les percussions dans tous leurs états, avec une batterie électronique, avec des percussions en peau tendu ou encore des cruches, et Aristide est sur la gestion de la musique, électronique et traditionnelle. Nous avons des instruments traditionnels, comme le koto ou les bols tibétains, un xylophone, un balafon africain, une guitare sèche. Ils ont su trouver une ambiance que je trouve formidable pour chacun des textes.

Que peut-on selon vous faire au quotidien pour participer à cette lutte ?
Être précautionneux dans notre consommation. Est-ce que j’ai besoin de manger de la viande tous les jours ? Et ça tombe bien, c’est cher. Les Indiens prélevaient uniquement ce dont ils avaient besoin et nos grands-parents aussi étaient des chefs indiens, aucune denrée ne dépassait la date. Si l’on revenait à une sobriété de consommation, on vivrait presque instantanément mieux, que ce soit par la santé ou par l’état d’esprit. Ce monde nous rend schizophrènes, affolés par des choses terribles à venir. Mais on n’a pas envie de se passer de ce qui nous fait plaisir, donc on est déchiré. Nous avons suffisamment de vêtements jusqu’à la fin de nos jours, mais des grands marques chinoises sortent des fringues toutes les quatre secondes. Si on pouvait stopper cette frénésie ! Mais pour ça il faut avoir des vies remplies car l’acte d’achat est un acte de consolation, une sorte de drogue qui produit des hormones de plaisir.

 

5 questions à… Philippe Torreton

Qui vous a donné envie de devenir comédien ?
Le théâtre lui-même, et mon professeur de français, en classe de 5e qui m’a fait monter sur scène.

Cinéma ou théâtre ?
Les deux mon capitaine.

Votre chanson préférée de Téléphone ?
« Tu vas me manquer ».

Votre auteur de théâtre préféré ?
Shakespeare.

Le film de votre filmographie que vous recommanderiez ?
Peut-être « Capitaine Conan », car j’ai pu constater son impact sur le public. Mais, de toute façon, ce serait très immodeste de ma part d’en recommander.

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