
Pierre Génisson – La clarinette, un trait d’union entre les mondes.
Pierre Génisson, Edgar Moreau et Guillaume Bellom, le 24 mai à la Maison du Cygne
De retour à La Vague Classique, le clarinettiste marseillais partage sa complicité musicale avec Edgar Moreau et Guillaume Bellom, et la richesse expressive d’un instrument caméléon.
Vous avez déjà joué à Six-Fours. Que pensez-vous de La Vague Classique ?
C’est un festival magnifique, d’envergure nationale, qui attire des artistes venus de toute l’Europe. J’ai été très agréablement surpris par la qualité de l’accueil, mais surtout par l’écoute d’un public amateur éclairé, profondément attaché à la musique classique. Quand le festival m’a proposé de revenir avec un programme différent et dans un autre cadre, j’ai tout de suite accepté avec enthousiasme. Je suis Marseillais, donc revenir jouer « à la maison », c’est un plaisir particulier. La programmation de La Vague Classique est sublime, et Gérald fait un travail artistique remarquable.
Vous partagez la scène avec Edgar Moreau et Guillaume Bellom. Une première à trois ?
Oui ! Nous nous connaissons très bien, nous faisons partie de la même « famille musicale ». J’ai déjà joué avec chacun d’eux, mais ce sera notre première réunion tous les trois sur scène. C’est une formation assez singulière : trois instruments très différents, trois modes d’expression. Le violoncelle et la clarinette se marient magnifiquement, et le piano vient créer une unité, un socle. On a le meilleur des mondes. Edgar, c’est un immense soliste, d’une virtuosité rare, mais surtout d’une écoute incroyable. Il joue dans le monde entier, mais il sait se fondre dans le jeu d’ensemble avec une simplicité et une finesse qui relèvent du génie. Quant à Guillaume, c’est la « Rolls » du piano. Son accompagnement est d’une précision et d’une palette de couleurs exceptionnelle. Il a cette capacité rare à ressentir le souffle, ce qui est essentiel pour un instrument à vent. Il sait parfaitement s’adapter à nos respirations musicales. C’est un bonheur de jouer avec eux.
Vous avez choisi un programme Brahms, Fauré, Poulenc, Bruch. Pourquoi ce répertoire ?
On voulait proposer une traversée des styles, entre romantisme et modernité. Brahms, c’est le trio sacré de la musique germanique du XIXe, une écriture poussée à l’extrême, avec son « Opus 114 », sa dernière œuvre de musique de chambre – écrite précisément pour cette formation. Fauré, c’est le pendant français, avec une sonate dans la même période, toute en finesse et en intériorité. Poulenc, lui, vient bousculer tout ça. C’est une œuvre testamentaire, sa dernière sonate, qu’il n’a d’ailleurs jamais entendue : elle a été créée par Bernstein au Carnegie Hall, trois mois après sa mort. Cette pièce est à son image : changeante, profonde, pleine de contrastes, entre ironie et désespoir. Et nous finirons avec des pièces de Bruch, qui sont fascinantes : parfois on a l’impression que le piano devient une harpe, les timbres se fondent, se répondent. C’est une musique polymorphe, incroyablement riche.
Qu’est-ce qui vous attire dans la clarinette ?
C’est un instrument caméléon. Elle peut se faire aussi douce que la voix, venir du silence le plus pur, ou exploser dans des sonorités puissantes. Elle peut se fondre avec n’importe quel autre instrument, créer des passerelles, des symbioses. C’est pour ça que j’aime autant la musique de chambre : la clarinette peut tout jouer, de Mozart au jazz, du klezmer aux musiques traditionnelles. Elle a cette capacité presque céleste de transformation.
Fabrice Lo Piccolo