Rael-Miguel “Lux Mundi” – La culture underground dans l’art sacré
Hors-série Sacrée Musique 2022 #2
L’illustrateur et graphiste a créé l’affiche de l’édition 2 du festival Sacrée Musique ! Ancien DJ, féru de musique house et de rap, globalement marqué par la culture underground, Lux Mundi est devenu un passionné d’art sacré après une longue quête de sens.
Tu es influencé par différents courants en apparence opposés, peux-tu nous raconter ton parcours ?
La culture underground a marqué ma vie dès l’adolescence. J’ai été DJ house et rap et pratiqué le graffiti. Je me suis ensuite dirigé vers l’illustration et le graphisme où j’ai fait mes premières armes dans le jeu vidéo, une autre influence. Pendant plusieurs années, j’ai eu une vie bien remplie mais j’ai commencé à ressentir qu’il me manquait quelque chose, en fait l’essentiel. J’ai mis toutes mes activités entre parenthèses pour me poser la question du sens de mon existence. Je me suis plongé dans l’histoire et intéressé à de nombreux courants spirituels. De toutes mes recherches, la figure qui m’a bouleversé a été celle du Christ. Quand j’ai regardé le “Jésus de Nazareth” de Zeffirelli, le passage des Béatitudes a été un séisme. Ces paroles correspondaient à tout ce que j’attendais, à tout ce que je recherchais : “Heureux les affamés et assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés. Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.” À la base, je viens d’un milieu très politisé à gauche. Je me suis toujours intéressé à ce qui pourrissait nos sociétés, avec une forte aspiration pour la justice sociale. Les Béatitudes, c’était révolutionnaire pour moi. J’ai reçu le baptême un an et demi après.
Quelles conséquences cette expérience spirituelle a-t-elle eu sur tes compositions ?
C’est comme si je voyais le monde avec des yeux nouveaux. J’ai commencé à explorer l’art sacré pour l’intégrer à ma culture graphique. Ma conception de l’art emprunte aujourd’hui beaucoup à l’iconographie orthodoxe. Celle-ci m’inspire énormément parce qu’elle a conservé une forte dimension mystique qui laisse place au mystère. Dans mes compositions, je cherche à transmettre ces codes de l’art sacré que je me réapproprie et actualise pour toucher le monde, tout en m’inscrivant dans la Tradition.
L’univers de la musique sacrée t’a-t-il aussi interpelé ?
J’ai découvert la musique sacrée dans mon cheminement spirituel et ça me porte aujourd’hui quotidiennement, le chant grégorien, le chant religieux de manière générale : Arvo Pärt, Tenebrae, Vox Clamantis, les chants orthodoxes du Mont Athos ou de Valaam, Nana Peradze… Après, je continue d’écouter pas mal de deep house ou de rap : Kanye West dont j’adore la folie, Kendrick Lamar… même si on ne peut pas dire que ce sont des modèles spirituels (rires).
Tu as créé l’affiche de Sacrée Musique ! cette année, peux-tu nous en dire plus sur tes inspirations ?
J’ai choisi de faire une illustration qui, selon moi, permet de véhiculer un regard plus abstrait, plus poétique qu’une photo qui exprime parfois une représentation trop matérielle de l’existence. C’est le propre de la poésie, de la musique, de la peinture, de l’art de manière générale : représenter des choses qui vont au-delà de ce que l’œil peut voir. Il y a aussi ce jeu de lumière. Cette appréhension spirituelle de la lumière dans le festival m’a touché. Je crois que c’est la mission profonde de l’homme : être une lumière dans un monde trop souvent marqué par les ténèbres. J’aime beaucoup Bernanos quand il dit : “On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas tout d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure.” Le festival propose une expérience intérieure, quelle que soit notre sensibilité spirituelle. Je crois en la force de ces expériences du Beau qui éclairent notre existence. Cet état d’émerveillement nous fait sentir qu’il y a quelque chose qui nous dépasse, qui transcende notre être. C’est une vibration intérieure qui part du cœur, de l’âme, et qui s’élève.