Raphaël Dupouy – Cinq regards de femmes sur le monde.
« Photographes voyageuses » jusqu’au 31 janvier 2026 à La Villa Théo au Lavandou.
La Villa Théo au Lavandou réunit cinq photographes dont les œuvres racontent le voyage, l’humanité et la liberté de franchir les frontières. Rencontre avec Raphaël Dupouy, attaché culturel et commissaire de l’exposition.
Pourquoi avoir choisi le thème du reportage photo au féminin ?
Nous aimons beaucoup la photographie à la Villa Théo, peut-être car j’ai été photographe : tous les deux ans, nous organisons une grande exposition dédiée. Cette fois, nous voulions valoriser des artistes féminines, encore trop peu visibles dans les programmations. Nous travaillons régulièrement avec Bernard Plossu, avec qui je suis ami, et avions depuis longtemps le souhait de rendre hommage à sa femme, Françoise Nuñez, disparue en 2021. Son travail a servi de point de départ. J’ai ensuite réuni d’autres photographes : Sabine Weiss, que j’avais déjà exposée et que j’ai eu la chance de connaître ; Agnès Varda, dont la fille nous a prêté des clichés de son séjour cubain de 1963 ; Mariblanche Hannequin, dont Plossu m’a fait découvrir l’œuvre, magnifique et trop peu connue ; et enfin Shirley Baker, photographe britannique qui possédait une maison au Lavandou et a capté ici des scènes du quotidien dans les années 70-80.
Toutes racontent le voyage, mais aussi franchir des frontières géographiques, certes, mais aussi sociales et culturelles. Il y a là un double message qui traverse toute l’exposition.
Quelles œuvres le public découvre-t-il à la Villa Théo ?
Nous présentons soixante-six photographies, organisées par artiste. Chez Sabine Weiss, on retrouve des images emblématiques, dont la petite Égyptienne, ainsi que des scènes de prières qu’elle a beaucoup photographiées.
Mariblanche Hannequin dévoile des images prises seule au Pakistan, en Irak ou en Asie centrale, des pays difficiles à visiter pour une femme non accompagnée.
Les photos d’Agnès Varda montrent un Cuba vibrant et graphique, notamment une scène de rue et un étonnant portrait de jumeaux.
Françoise Nuñez offre un voyage poétique en Inde, en Italie ou en Espagne. L’affiche reprend une image qu’elle a réalisée à Valparaíso.
Shirley Baker, enfin, pose sur le Lavandou un regard tendre, presque ethnographique : notamment une photo de boulangers partant livrer le pain, souvenir d’un autre temps.
L’ensemble forme un panorama sensible où le monde est toujours habité, traversé par des rencontres et des gestes simples.
La dimension humaniste semble centrale. Était-ce intentionnel ?
C’est surtout ce que le public ressent. Une douceur, une proximité, une attention à l’autre. Peut-être est-ce lié à un regard féminin, peut-être simplement à une manière de raconter la vie à hauteur humaine. Ce sont des images prises dans la rue, au contact direct des gens : pas de paysages vides, toujours des présences.
Pourquoi avoir opté pour le noir et blanc pour l’ensemble de l’exposition ?
J’ai beaucoup travaillé en argentique, et le noir et blanc m’est cher. Mais surtout, il apporte une unité visuelle qui permet aux œuvres de dialoguer sans se concurrencer. Le noir et blanc apporte une poésie, une douceur, parfois une mélancolie. Pour une exposition qui parle de mémoire, de voyage et d’humanité, cela s’est imposé comme une évidence.
Fabrice Lo Piccolo.