Raphaël Dupouy – Élian Bachini, une vision unique.
>> Exposition « Élian Bachini – Mémoires de Danse » à la Villa Théo au Lavandou jusqu’au 4 janvier.
Photographe et plasticien varois, né en Toscane, Élian Bachini s’est intéressé de près à la danse, travaillant vingt ans pour Châteauvallon, et a développé des techniques de tirage uniques. Raphaël Dupouy, ami du photographe et directeur de la Villa Théo, rend hommage à cet artiste décédé en 2023 dont les œuvres ont circulé dans le monde entier et qui a exposé dans de prestigieuses galeries.
Raphaël, pouvez-vous nous présenter la ligne artistique de la Villa Théo ?
La Villa Théo se veut volontairement éclectique dans sa programmation. Nous ne voulons pas nous enfermer dans un seul style artistique. Nous avons un public très varié, qui évolue selon les saisons. C’est pourquoi nous alternons entre des expositions classiques et contemporaines, parfois mêlant les deux. Nous mettons également régulièrement en avant la photographie, comme c’est le cas ici avec Élian Bachini, où la photographie rejoint les arts plastiques.
Quel a été le parcours d’Elian Bachini en tant qu’artiste ?
Élian Bachini a débuté par le dessin et la peinture, deux disciplines qui l’ont toujours passionné. Parallèlement, il a suivi des études de lettres italiennes et enseigné l’italien dans un lycée privé de Toulon. Il s’est ensuite tourné vers la photographie, en grande partie grâce à l’influence de sa femme, professeure de danse. C’est là qu’il a développé une expertise unique dans la photographie de danse, en suivant des scènes locales, notamment Châteauvallon, pendant une vingtaine d’années.
Pouvez-vous nous parler de ses techniques de tirage si particulières ?
Élian Bachini était un photographe discret et très technique. À ses débuts, il utilisait des appareils Leica, réputés pour leur silence. Fort de son expérience de peintre et dessinateur, il a mis au point une technique de développement unique : il travaillait sur des supports tels que le lin, la toile de jute ou le papier aquarelle, qu’il rendait photosensibles grâce à un enduit spécifique. Chaque tirage était donc unique, influencé par les propriétés physiques du support et les réactions aux produits révélateurs qu’il appliquait au pinceau. Pour accentuer certaines zones moins contrastées, il retouchait à l’encre noire, rapprochant ainsi son travail de la peinture tout en s’éloignant des codes traditionnels de la photographie.
Quels sont les choix artistiques de l’exposition ?
L’exposition est divisée en deux parties. La première présente ses œuvres réalisées avec ses supports artisanaux, en noir et blanc, couvrant plusieurs décennies. La seconde, plus récente (2010-2023), montre ses expérimentations numériques. Il avait numérisé d’anciens négatifs pour les retravailler avec Photoshop, superposant des images de danse à des photographies de rue ou de textures naturelles, comme des cailloux. Ces œuvres, imprimées sur Dibond, allient sa vision picturale et sa maîtrise du numérique. Un des points forts de l’exposition est une série poignante où il avait photographié Carlotta Ikeda, danseuse butô, et superposé ces images avec des photos du cimetière juif de Prague. Ces œuvres explorent des thèmes comme la souffrance humaine, l’irradiation, et le génocide, tout en restant esthétiquement puissantes. Élian Bachini était un ami, mais c’est avant tout en tant que directeur de la Villa Théo que j’ai voulu exposer son travail, car je l’appréciais profondément. Choisir parmi ses œuvres a été une décision difficile, car mon espace est limité et son travail très riche. Sa fille, Gwendoline Bachini, danseuse et artiste contemporaine, lui rend également hommage dans l’exposition. Elle reprend certaines images de son père dans des projections vidéo. Avec cette exposition, nous offrons au public une immersion dans un univers où la danse, la photographie et les arts plastiques se rencontrent et dialoguent de façon poétique et engagée.
Fabrice Lo Piccolo