Régine Chopinot, Pacifik Melting Pot, une fête à la vie et aux arts.

Régine Chopinot est en quelque sorte la marraine (assumée) de Cité des Arts. Je suis très fier d’interviewer pour la deuxième fois cette chorégraphe dont le talent n’a d’égal que la simplicité. Pacifik Melting Pot réunit des artistes du Pacifique autour de la danse, du chant, de la musique. La dernière se jouera au Liberté Scène Nationale.
 
Comment définirais-tu ce Pacifik Meltin Pot ?
Le spectacle est très simple en soi, il n’y a pas de décors, les costumes sont simples. Ce qui est mis en avant c’est l’incroyable talent de ces interprètes. Ce sont des artistes monumentaux qui sont au cœur de l’énergie, de l’humour, des chants, de la musique, des frappés de pied, des danses. Les gamins peuvent le voir à partir de sept ans. C’est une fête à la vie et aux arts.
 
Comment est née l’envie de créer ce spectacle ?
De désirs de voyages, d’aller le plus loin possible, de voir si ailleurs j’y suis aussi, de tester l’incroyable expérience que j’ai accumulée pendant mes vingt-deux ans au CNDC de la Rochelle. Le premier voyage dans le Pacifique était en 2010. En fonction des rencontres et des relations géographiques, j’ai élargi : de Nouvelle-Calédonie aux artistes maori, des iles Cook et Samoa à la Nouvelle-Zélande. Pour y aller en avion tu fais un stop au Japon, où j’ai retrouvé un ancien danseur avec qui j’avais travaillé à La Rochelle. Le temps et les amitiés ont construit Pacifik Melting Pot. Le temps, plus que la volonté intellectuelle ou conceptuelle, crée l’objet. Il faut être à l’écoute de ce que te proposent les rencontres, la vie, le hasard. L’idée était que les calédoniens aillent en Nouvelle Zélande et au Japon, que les néozélandais aillent au Japon, que chacun aille travailler dans l’espace de l’autre. Le spectacle s’est construit entre 2010 et 2018 et c’est la première fois que je réussis à faire venir toute l’équipe en France. Nous l’avons créé au Japon en 2015, puis à Nouméa en 2016. Il y a un an et demi que l’on ne s’est pas revus. Là ce sera la dernière mouture. Il y a toujours des changements de distribution, les artistes sont tous très occupés dans leur pays. Moi aussi, en un an et demi j’ai beaucoup changé. Ce n’est jamais fini, ça évolue, ça se transforme. Le support de tout ça c’est le besoin d’écrire une partition rythmique avec voix, gestes et instruments. Ce support garde toujours la même intensité. Tous ces artistes-là sont des artistes transversaux, ils ont appris musique, danse et chant depuis l’enfance. Le spectacle allie tous ces langages. Il est relié par l’énergie, l’engagement et l’intensité.
 
Comment arrive-t-on à faire travailler ensemble des artistes d’horizons géographiques si différents ?
C’est le travail qui fait naitre des séquences, des idées, du chant, de la danse, des situations, tout ça est passé au tamis du temps. On se voit depuis dix ans, avec des rendez-vous improbables. C’est un puzzle qui se construit et se déconstruit : le temps garde certains éléments, d’autres s’évanouissent. Il n’y a pas que des artistes du Pacifique, Francisco Escalante Vargas est espagnol, c’est un jeune musicien que j’ai rencontré au conservatoire de Toulon, Nicolas Barrillot qui fait le son est français, tout comme Jean-Baptiste Warluzel, le vidéaste qui nous a rejoint dans le Pacifique, João Garcia, portugais. Le Pacifique apporte l’insularité, chose très forte à vivre, mais le dialogue se fait entre les hémisphères Nord et Sud, entre l’Europe et le Pacifique, entre les différents âges, les différents parcours. 
 
Les artistes allient danse, rythmes, chants, comment travaille-t-on sur plusieurs disciplines à la fois ?
Ça vient de ma fascination sur le décloisonnement. Mon premier spectacle en 78 : « Jardin de pierres », alliait déjà chant, mots, musique en direct. Il y avait des grands, des petits des blancs, des jaunes, des noirs. Je veux ouvrir tout l’éventail, il n’y a rien de plus mortel que l’entre-soi.
 
Quels sont tes projets ?
Pacifik Melting Pot s’est construit dans des circuits non institutionnels : on a travaillé dans la brousse, on joue en Nouvelle-Calédonie sans plateaux. Je suis devenue tout terrain. On a joué sous la pluie, on fait attention aux noix de coco dans le vent, aux tremblements de terre au Japon. Jusqu’à présent on a construit le spectacle sur tous les chemins de traverse, avec les spécificités de toutes ces iles, leur nature, leur climat. Là nous avons douze représentations dans six villes. C’est pour moi le retour à une tournée sur les plus grand plateaux de France, j’en suis très heureuse. Nous faisons des Scènes Nationales à Reims, Bobigny, Grenoble, et la dernière est au Liberté dans la grande salle. Cette tournée a été possible parce qu’Hortense Archambaud, ancienne directrice du Festival Avignon, et Bruno Lobé, directeur du Manège, la Scène Nationale de Reims ont piloté la tournée, sinon je n’y serai pas arrivée. L’amitié et la confiance de ces deux personnes, qui pilotent deux grandes structures est un des supports de l’existence de Pacifik Melting Pot. C’est extraordinaire de pouvoir jouer la dernière, enfin, chez moi, de cet OVNI qui réunit quatorze personnes sur scène.  C’est la fin d’un cycle.

 

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