Rémy Kerténian – Les Femmes Reporters à l’Honneur

Elles photographient – Jusqu’au 23 septembre à la Maison de la Photographie à Toulon

Continuant sa collaboration avec l’agence Magnum, la ville de Toulon nous dévoile une superbe exposition à la Maison de la Photographie autour de cinq femmes reporters, reflets de leur époque, des années 1950 à nos jours. Le directeur des Affaires Culturelles de Toulon vous en fait une « visite guidée ».

 

Qu’est-ce que nous raconte cette exposition sur les femmes reporters ?
L’Agence Magnum créée en 1947 a très tôt permis aux femmes reporters de la rejoindre, on pense à Eve Arnold et Inge Morath, qui intègrent Magnum dès le début des Années 1950. Pour autant en 2018, une étude universitaire rappelait que seulement 15% de la profession de reporter était féminine. C’est ce constat qui m’a donné envie, en collaboration avec Andréa Holzherr, directrice générale des expositions de l’agence Magnum d’exposer ces cinq femmes photographes, de l’après-guerre à nos jours. Chacune d’elles incarne une vision du reportage, empathique et personnelle, reflets pointus des époques et des lieux traversés.

Pendant ces années comment a évolué la profession ?
Je ne pourrai pas dire que l’évolution de la profession relève du genre. En revanche, chacune des photographes présentées semble faire corps avec les sujets des reportages. Les clichés présentés d’Eve Arnold relèvent de la tradition des grands portraits de la presse magazine des années 1950-1960. Les clichés d’Inge Morath et de Marylin Silverstone s’inscrivent dans le courant de la photographie dite humaniste. Dans la jeune génération, incarnée ici par Nanna Heitmann, le reportage se fait le reflet d’une mythologie personnelle s’apparentant à un journal de voyage fruit d’une pérégrination à la fois spatiale et intime. On peut sentir ce tournant dans la série « Carnival Strippers » réalisée par Suzanne Meseilas au début des années 1970.

Pouvez-vous nous détailler vos clichés favoris ?
Parmi les photographies d’Eve Arnold présentées au rez-de-chaussée, si toutes sont exceptionnelles, la photographie représentant Marlène Dietrich attendant dans sa loge d’enregistrer un disque me touche particulièrement. La star de dos attend. Elle est dans une phase de transition : son âge ne lui offrant plus de rôles au cinéma, elle va décider d’entamer une carrière de chanteuse. Cette photo met l’accent sur la malheureuse nécessité, encore perceptible aujourd’hui, du « jeunisme » imposé aux femmes actrices. Dans la série présentée de Suzanne Meseilas, l’ensemble des photos permettent aux spectateurs de se confronter à un état qui peut se révéler proche du voyeurisme et lui impose de s’interroger sur ce que l’on arrive à faire de l’humaine condition. Comme tous les fans d’Inge Morath, je ne peux que sourire à la photo représentant Linda le lama, star des plateaux télé de l’Amérique des années 50. Chez Marylin Silverstone, l’humanisme n’est pas qu’un mot, il s’incarne tout particulièrement dans la photographie représentant un fermier protégeant son enfant des intempéries d’une couverture de feutre. Ce cliché fait écho à la photographie de Nanna Heitmann, représentant un nourrisson endormi dans les bras de son père.

Fabrice Lo Piccolo

En savoir +