Renaud Nattiez – Faut-il brûler Tintin ?
Faut-il brûler Tintin, déjà disponible.
Notre spécialiste local du plus célèbre reporter belge a été marqué par l’autodafé des œuvres de Tintin au Canada. A l’occasion du quarantième anniversaire de la mort d’Hergé, il sort un nouvel essai s’interrogeant sur les raisons de la polémique autour de Tintin.
A quoi est due la polémique autour de Tintin ?
Contrairement à Astérix, Lucky Luke ou Gaston qui ne font pas trop de vagues, Hergé a toujours fait l’objet de critiques assez dures. « Tintin au Congo » est considéré comme colonialiste ou pas écologique, Tintin y dynamite un rhinocéros par exemple. On a dénoncé des images antisémites dans « L’étoile mystérieuse ». On a aussi critiqué l’attitude d’Hergé pendant la guerre qui a écrit dans un journal collaborationniste, et son côté misogyne, il y a très peu de femmes dans Tintin. En Ontario au Canada, un collège chrétien a fait un autodafé de « Tintin en Amérique », trouvant que l’image donnée des indiens est caricaturale et stéréotypée. Ça a fait un tollé, le premier ministre canadien s’est insurgé. La première partie de mon livre s’intitule « Est-ce que tintin doit disparaitre ? ». Depuis la mort d’Hergé, le 3 mars 83, il y a eu un basculement, Tintin est devenu une forme de mythe et plus acceptable. Il n’y a pas eu d’albums depuis « Tintin et les Picaros » en 76, et malgré tout on vend environ deux millions d’albums par an dans le monde entier. Le problème est l’avenir de Tintin. Michel Serres, le philosophe, pensait que Tintin ne disparaitrait jamais. Mais est-ce que les jeunes d’aujourd’hui aiment ça ? Ils connaissent les dessins animés mais n’ont pas forcément lu les albums. Les ayants droit d’Hergé ont une politique très dure face à l’utilisation des images et aux contrefaçons. Leur politique est de faire beaucoup de produits dérivés, on en trouve d’ailleurs à la Librairie Falba. Il y a eu la tentative de film faite par Spielberg en motion capture, mais le succès fut mitigé. Les avis sont partagés sur la question de faire un nouvel album. Hergé a dit qu’il n’en voulait pas.
Qu’est-ce que peut nous apporter Tintin ?
On constate que son succès est universel. Pourquoi cela ? On peut mentionner la précision de la documentation et des scénarios, la qualité graphique avec la ligne claire. Il est rare également d’avoir autant de dimensions multiples qui se combinent, Astérix c’est principalement du comique par exemple. Tintin arrive même à créer une géographie parallèle et on y croit. Il y a aussi des inventions extraordinaires comme les jurons du capitaine Haddock. On a écrit presque six-cents ouvrages sur Tintin, alors qu’il n’y a que vingt-trois albums et demi. Il y a aussi de nombreux albums pirates et même des albums pornos !
Alors, faut-il brûler Tintin ?
La réponse est dans le livre ! Au sens propre déjà, il ne faut jamais brûler un livre. Et il faut remettre dans le contexte, c’était en 1930. Tintin a évolué, dans « Les Bijoux de la Castafiore », on retrouve des valeurs très humanistes. Et la BD n’est pas que le personnage de Tintin, Haddock ou Tournesol ont des qualités humaines fortes. Si son succès s’estompe, ce que je crois possible, il peut rester comme un classique, car c’est très marqué XXe siècle. Pourquoi ne pas refaire un Tintin ? Si tu voulais vraiment faire la même chose, ça ne marcherait pas. Mais si un grand de la BD, Sattouf, Sfar ou Tardi faisait un Tintin vu par lui, ce serait intéressant. Riad Sattouf a toujours dit que c’était sa BD de référence, il la recevait par sa grand-mère en Syrie.
Fabrice Lo Piccolo
En savoir plus : Renaud Nattiez