Reveline Fabre & Vincent Hours – Lutter contre les discriminations.
>>« Normal », Du 7 au 9 novembre au Théâtre Denis à Hyères, le 19 novembre au Liberté à Toulon
La pièce « Normal » explore les questions de l’homophobie et de la normalité à travers le parcours de Clément. En s’appuyant sur des témoignages et des expériences réelles, la Compagnie de l’Echo, en résidence au théâtre Denis, propose un théâtre citoyen, interactif et engagé. Rencontre avec la co-metteuse en scène, avec Geoffrey Fages, Reveline Fabre et l’un des acteurs et créateur musical de la pièce, Vincent Hours.
« Normal » est le deuxième volet de votre initiative de théâtre citoyen. Pouvez-vous nous en parler ?
Vincent : C’est le deuxième projet après la pièce « Pulsions », créé en 2016 avec Xavier Hérédia et Peggy Mahieux qui dirigent la compagnie. Celle-ci abordait le thème du harcèlement en milieu scolaire et extra-scolaire. Avec près de quatre-cent représentations, le succès a été au rendez-vous. À travers « Pulsions », nous avons récolté de nombreux témoignages, et nous nous sommes rendu compte que beaucoup de jeunes souffraient de discriminations liées à leur orientation sexuelle. C’est ainsi que nous avons décidé de parler de normalité et d’exclusion.
Reveline : La question centrale que nous posons est : comment être « normal » et qui décide de cette normalité ? Cette fois-ci, nous avons opté pour une écriture plus collective, incluant non seulement les acteurs et metteurs en scène, mais aussi des amis proches et des intervenants d’ateliers. C’est un théâtre de citoyen à citoyen, qui ne se limite pas au public scolaire.
Vous abordez donc le thème de l’homophobie, mais pensez-vous que des progrès ont été réalisés ?
Reveline : Il y a effectivement eu des avancées sociétales. La loi de 1982 a dépénalisé l’homosexualité, depuis 2011 être trans n’est plus considéré comme une maladie mentale… Le mariage pour tous en 2013 a également marqué un tournant, même si cela a créé des divisions. Mais aujourd’hui, il reste encore de la peur, de l’ignorance et de la haine, alimentées par des discours familiaux, culturels et par les réseaux sociaux où tout le monde donne son avis aujourd’hui.
Vincent : Nous ne vivons pas ces discriminations personnellement, mais en discutant avec des victimes et des associations, on prend conscience de l’ampleur du problème. Le rapport de SOS Homophobie en 2024 mentionne une hausse des cas d’agressions homophobes en 2023. Ils recensent 2377 cas déclarés, mais nous pensons que c’est loin de la réalité. Pourtant, il y a aussi plus de prises de parole et d’alliés.
Le spectacle s’appuie sur des expériences réelles. Comment avez-vous travaillé cela ?
Vincent : Nous jouons des personnages basés sur des témoignages réels, à la fois des victimes et des agresseurs. L’idée est que le public puisse se reconnaître, peu importe de quel côté il se situe. Nous avons aussi collaboré avec Benoît Arnulf de l’association « Les Ouvreurs », qui nous a formés sur le sujet, pour nous assurer de l’exactitude du contenu. Il nous a confirmé que nous avions abordé toutes les facettes et cela nous a rassurés.
Pouvez-vous nous parler du personnage central, Clément ?
Reveline : Le spectacle est divisé en deux parties. La première, assez singulière, se déroule comme une expérience scientifique menée par une intelligence artificielle. Cette IA pose des questions et invite les acteurs à participer à des jeux et des expériences. Elle finit par demander que nous racontions l’histoire de Clément.
Vincent : Clément, interprété par Xavier, est suivi depuis sa naissance jusqu’à l’âge adulte. À travers son parcours scolaire et ses interactions sociales, on découvre les agressions et incompréhensions qu’il subit. Sa mère, jouée par Peggy, incarne à la fois l’amour et l’incapacité de comprendre ce que vit son fils. On parle de discrimination, mais aussi d’amour, et on espère que ce sentiment l’emporte à la fin.
Le thème de l’homophobie est-il aussi une réflexion sur toutes les différences ?
Reveline : Nous traitons spécifiquement des orientations sexuelles, mais les questions autour de la normalité et de l’exclusion touchent à toutes les différences. On explore ce que signifie être « hors norme », et comment cela conduit souvent à l’exclusion. Une des phrases importantes du spectacle est cette citation de Fernand Ouellette : » La normalité demeure une question relative à une époque et à une civilisation, hors chaque culture a tendance à croire que son équilibre est la norme universelle. Lou, un des personnages, dit aussi : « Si la beauté est dans l’œil de celui qui regarde, alors je suis normale pour quelqu’un et différente pour quelqu’un d’autre. »
Fabrice Lo Piccolo