Ronan Bouroullec – Un espace d’expression sans contrainte.

Jusqu’au 29 avril à l’Hôtel des Arts TPM à Toulon – Du 22 juin au 6 novembre à la Galerie du Canon à Toulon – Du 23 juin au 3 septembre à la Villa Noailles à Hyères.

Reconnu comme l’un des plus grands designers en duo avec son frère Erwan, Ronan Bouroullec sort de la contrainte pour dévoiler sa création artistique pure à travers trois expositions très différentes entre Toulon et Hyères.

Vous avez commencé à créer très jeune. D’où vous vient cette nécessité ?
J’ai détesté l’école traditionnelle et j’ai eu la chance à quinze ans de rentrer dans une École d’Arts Appliqués. J’ai eu l’impression de revivre, de monter dans un train qui roule encore aujourd’hui. Les choses se sont faites de manière très organique, je suis devenu un bon élève, j’ai commencé à bricoler des choses moi-même. Puis, je suis rentré dans une école de design à Paris où l’atmosphère ne me convenait pas du tout. J’ai eu des difficultés à avoir mon diplôme et ça m’a forcé à développer mes propres projets et une écriture personnelle. Au moment de mon stage, vers dix-huit ans, j’ai été accueilli par des architectes qui m’ont rapidement proposé de participer à des expositions. Années après années, je me suis fait un nom.

Quel souvenir gardez-vous de votre exposition en 1997 à Hyères ?
Le plaisir ! Quand on est très jeune et qu’on a la possibilité d’exposer, c’est toujours un bonheur et le cadre de la Villa Noailles était fantastique. Seul le rez-de-jardin était restauré, il y avait des graffitis partout, c’était très étrange. Et c’est aussi la rencontre avec Jean-Pierre Blanc, un personnage extraordinaire qui rend tout possible facilement.

Votre exposition à l’Hôtel des Arts découle d’une envie récente de valoriser vos dessins. Pourquoi ?
J’ai toujours pratiqué le dessin, mais je n’en avais pas besoin pour vivre. J’étais designer dans un pays où, quand on est lié à une discipline, on n’en propose pas une autre. C’était donc très secret. Puis j’ai découvert Instagram que j’utilise comme un journal, quasi quotidiennement. La reconnaissance de ce travail s’est faite à travers cet outil formidable. Instagram est une galerie internationale ouverte, sans jour de fermeture.

Quand on regarde vos œuvres, on a l’impression que l’expérience a été physique, réalisée en une seule fois et que la partie improvisée se contient dans une intention délicate et précise. Recherchez-vous un état dans votre création ?
Je cherche un état, car le dessin m’apaise, mais les dessins traduisent l’état dans lequel je suis à ce moment-là. On peut le voir dans la galerie de portraits à l’étage, les six têtes… C’est presque un encéphalogramme.

On peut remarquer une évolution de l’expérimentation de façon chronologique dans l’exposition, peut-on dire qu’elle se complexifie tout en gardant sa radicalité ?
C’est une très bonne question ! Je pense que vous n’avez probablement pas tort. Ça reste la puissance d’un dessin qui en fait sa valeur. Je me suis libéré, le dessin a pris plus d’espace, on le voit dans les formats. Il s’est décomplexé, enrichi en couleurs, là où il était monochrome. Le dessin, c’est quelque chose que je fais avec ce que j’ai sous la main, quelque chose de très spontané, rapide, sans trop de préparation. C’est pour ça que j’aime beaucoup le feutre. Le design, c’est très différent, réfléchi, programmé, pesé, comptabilisé. Ça cherche à être magique, mais ça passe par des critères très froids et un grand nombre de contraintes. Le dessin se fait sans contrainte. Le design d’objet est un métier de service, là où le dessin est un espace d’expression.

Maureen Gontier

Exposition Ronan Bouroullec, Villa Noailles