Sandrine Piau – Ode au voyage.

Sandrine Piau et David Kadouch, le 30 mai à La Maison du Cygne.

Le 30 mai, à la Maison du Cygne, la soprano Sandrine Piau retrouve le pianiste David Kadouch pour un récital de l’âme et du voyage, entre berceuses, contes, et partitions oubliées. Un moment suspendu où la musique se mêle à la poésie du lieu.

Vous partagez la scène avec le pianiste David Kadouch, avec qui vous avez aussi enregistré. Qu’est-ce qui nourrit votre complicité ?
David a un toucher d’une grande finesse, une palette de nuances très subtile qui s’accorde parfaitement avec ma voix plutôt légère. Nous évoluons dans une même recherche sonore, à la limite du silence. Il lit beaucoup, aime le texte — et pour nous chanteurs, cette sensibilité littéraire est essentielle. Notre duo s’est construit sur l’écoute, l’exploration. Nous avons beaucoup cherché ensemble, décortiqué les œuvres avec minutie avant de trouver une vraie liberté d’improvisation. Aujourd’hui, chacun propose, l’autre rebondit. C’est un dialogue permanent.

Comment avez-vous conçu le programme du récital ?
Le point de départ, c’était le voyage, sous toutes ses formes. Ce thème est né pendant le Covid, dans une période de repli où l’envie d’évasion était très forte. Il s’agit ici de voyages géographiques, initiatiques, intimes… et parfois du dernier voyage, celui vers la mort. Nous avons mêlé des pièces issues de notre précédent programme à d’autres plus récentes, que nous enregistrerons cet été pour le label Alpha. Il y aura des œuvres de Wolf, Schubert, Clara Schumann, Lili Boulanger, Duparc, mais aussi les « Cinq mélodies populaires grecques » de Ravel. Le récital s’ouvre sur une berceuse de Strauss — c’est la forme la plus intime du voyage, celle qui transporte vers tous les possibles. Et nous le clôturerons également sur une berceuse, comme une boucle. Chaque pièce explore une facette du voyage : le passage de l’enfance à l’âge adulte, le déracinement, le rêve, la transfiguration. « Le Roi des Aulnes » de Schubert, par exemple, évoque la mort d’un enfant fiévreux, tandis que « La Lorelei » de Schumann ou « L’Enfant Jésus endormi » de Wolf parlent de figures mystiques. Et à travers tout cela, un fil rouge : la mémoire de l’enfance, ce qui nous construit, ce qui nous fait rêver. David a aussi apporté sa sensibilité en mettant en lumière des compositrices comme Clara Schumann ou Lili Boulanger, longtemps éclipsées. C’est un engagement qui donne une richesse particulière à ce programme.

Votre voix est souvent saluée pour sa finesse expressive. Comment travaillez-vous cette émotion ?
Transmettre l’émotion, ce n’est pas quelque chose que l’on « travaille » vraiment. Il y a des jours où vous vous sentez à côté… et pourtant, vous touchez le public. C’est un mystère. Je crois que plus on ose se dénuder artistiquement, plus l’émotion passe. Il ne s’agit pas d’asséner sa fragilité, mais de la laisser affleurer. En récital, c’est possible, car on n’a pas à « lutter » contre l’orchestre. Quand je chante du Haendel ou la Reine de la Nuit dans Mozart, le public est impressionné. Mais quand je chante Pamina dans « La flûte enchantée », les gens sont émus. Les voix fines comme la mienne ont cette capacité à se dévoiler.

Qu’aimez-vous particulièrement dans le récital ?
C’est grisant et exigeant. On choisit tout, on est seul sur scène, sans décor. Cela demande un grand engagement, mais c’est aussi la forme la plus libre. On raconte une histoire. Avec David, nous traçons un parcours : on commence par une berceuse, on finit par un mariage… Le récital permet une rencontre très directe avec le public. C’est une forme où l’on est au plus près de soi-même, et des autres. Et j’ai besoin de ça, tout autant que de la scène. Ces deux mondes se nourrissent mutuellement.

Fabrice Lo Piccolo

Extrait vidéo

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