SILVIA PAOLI – Tragédies méditerranéennes.

>>Les 29 et 30 juin et le 2 juillet à Châteauvallon à Ollioules

Dans le cadre du Festival d’été de Châteauvallon 2024, « Cavalleria rusticana/Pagliacci », la nouvelle production et création de l’Opéra de Toulon (en coproduction avec les opéras de Montpellier et Dijon), est jouée pour la première fois. La metteuse en scène italienne Silvia Paoli nous dit tout de ce célèbre diptyque.

Silvia Paoli, pourriez-vous présenter au public varois les compositeurs Pietro Mascagni et Ruggero Leoncavallo ?
Mascagni (« Cavalleria rusticana », 1890) et Leoncavallo (« Pagliacci », 1892) sont les compositeurs les plus représentatifs du vérisme en musique. Ce mouvement artistique italien, appliqué à la musique, correspond à une période très courte. En effet, il est difficile de faire du vérisme en opéra : les personnages chantent sur scène, ils ne parlent pas. Or ce n’est pas naturel de chanter quand le but est de raconter une histoire d’un point de vue réaliste. Mascagni et Leoncavallo sont surtout connus pour ces deux opéras. Traditionnellement, on joue, on chante, on met en scène « Cavalleria rusticana » et « Pagliacci » ensemble.

Qu’est-ce qui lie les deux œuvres ?
Ces deux opéras veulent recréer la vie réelle. Leoncavallo montre le quotidien d’un village de Calabre. Mascagni s’inspire de l’écrivain Giovanni Verga (1840-1922), le représentant du vérisme en Italie, et l’action de son opéra se situe aussi dans le Sud, dans un village de Sicile. Ces œuvres donnent à voir la société des exclus. On retrouve aussi le tragique, dans l’une comme dans l’autre. Il s’agit toujours de sentiments primitifs, de la loi qui n’est pas écrite, de la loi d’avant la loi, du code de l’honneur. La religion est également présente, avec la Passion du Christ dans « Cavalleria rusticana », qui se passe le jour de Pâques, et la fête de l’Assomption de la Vierge dans « Pagliacci ». Mais, dans les deux cas, c’est le côté hypocrite de la religion qui ressort. L’aspect spirituel a été perdu.

Quel a été votre parti pris pour la mise en scène ?
Nous sommes à Châteauvallon et ces opéras sont joués dans l’amphithéâtre, en extérieur. Aussi ai-je pensé qu’il serait bien de créer un espace qui rappelle une place du sud de l’Italie d’aujourd’hui, un espace bétonné et détruit. Détruit, parce que la communauté ne peut pas utiliser ces infrastructures ou y faire des choses ensemble : dans le sud de l’Italie, le soleil est toujours là, en été c’est impossible de rester en plein soleil sur des gradins en béton. Pour respecter la volonté des compositeurs, j’ai pris le parti de raconter quelque chose de vrai, de montrer ce qu’on ne veut pas voir et qui fait peur : la pauvreté. Mettre en lumière ce côté de la société était le but de mon travail. Au-delà des meurtres, du féminicide, ces opéras montrent des gens désespérés, sans horizon ni échappatoire possible. C’est pour cette raison que j’ai placé une clôture autour de la scène : pour dire qu’ils sont là, et qu’ils doivent rester là.

La musique, dont la direction est assurée par le chef Valerio Galli, occupe une belle place dans ces deux opéras, avec des passages non chantés. Comment en avez-vous tenu compte dans votre mise en scène ?
La musique amène ailleurs, toujours. Elle inspire. C’est à ces moments-là que l’on peut mettre en place, par la mise en scène, des choses qui conduisent le spectateur hors de la réalité, que l’on peut jouer avec les symboles. Par exemple, on peut créer un salon avec une télévision et un fauteuil, rien de plus. On n’a pas besoin de décrire. D’une manière générale, tout est déjà là, dans les mots et dans la musique. On doit plutôt travailler sur les sentiments. Montrer par la mise en scène ce qui se passe entre les personnages, c’est ça l’important.
Dominique Ivaldi

En savoir +