Sophie Catala & Vincent Berenger – Soixante ans à servir la culture.

« Do you know Châteauvallon? » le 16 décembre à Châteauvallon à Ollioules.

 

La scène nationale Châteauvallon va projetter un film inédit imaginé par Charles Berling, réalisé par Vincent Berenger et construit avec dix-sept enfants de la Métropole. L’occasion de revenir sur une année anniversaire intense. Rencontre avec Sophie Catala, responsable des actions culturelles, et Vincent Berenger, directeur de la 7e Scène.

 

Châteauvallon a fêté ses soixante ans toute l’année 2025. Qu’est-ce que représente ce lieu pour vous ?

Sophie : C’est un terrain de jeu magnifique, qui mêle espaces naturels et salles fermées. Châteauvallon, par son histoire, est un symbole du participatif, de la citoyenneté, des gens qui se retroussent les manches pour faire émerger quelque chose de concret et de poétique. Je suis à Toulon depuis quinze ans, et avant même d’y travailler, Châteauvallon représentait pour moi une légende. Je venais des arts de la rue, je travaillais à Marseille, et ce lieu mythique — avec sa construction participative, son engagement, notamment contre le FN à une époque — nourrissaitmon imaginaire.
Vincent : Je suis toulonnais : Châteauvallon, j’en ai toujours entendu parler. J’y suis allé pour la première fois vers vingt ans : un choc. Je ne connaissais pas encore bien son histoire, mais j’ai commencé à travailler dessus pour le film et me suis laissé prendre au piège de son architecture. On a du mal à dater ce lieu, il déjoue le regard. J’y ai aussi vu tous les spectacles de Joël Pommerat, dont je suis fan. Travailler ici depuis six ans est un privilège et un cadre exceptionnel pour créer.

Sophie, tu es responsable des actions culturelles. Plusieurs projets ont marqué cette année des soixante ans. Peux-tu nous en parler ?

Nous avons imaginé un grand projet intitulé « Nous sommes ce que vous fûtes… et nous serons ce que nous êtes ». Des enfants d’une école d’Ollioules ont participé à des ateliers musique et arts plastiques, dirigés par la plasticienne Pauline Léonet et le musicien Vincent Hours, puis ont animé le lancement de saison. L’idée était d’offrir la jeunesse au regard du public et qu’elle s’approprie Châteauvallon. Nous leur avons transmis l’histoire du lieu pour qu’ils la réinterprètent artistiquement. Ils ont travaillé autour de l’œuvre d’Henri Komatis et créé des pièces en carton dans la continuité de son travail. Nous avons également développé les Jardins partagés, en lien avec les Jardins remarquables de Baudouvin. Avec l’école de La Florane, nous avons planté agrumes, plantes locales, légumes. Les enfants ont aussi travaillé avec un jardin partagé au pied d’un immeuble du quartier : un lien social fort qui s’est noué et que nous allons poursuivre. Enfin, nous avons créé un spectacle « Un soir de minuit » avec les enfants que nous suivons depuis huit ans, dans le cadre des Ateliers en liberté. Tous les mercredis, ils pratiquent arts plastiques, théâtre, danse. Pour l’anniversaire, ils ont imaginé un futur où des enfants retrouveraient les restes de Châteauvallon et le reconstruiraient. Charles Berling, notre directeur, les a mis en scène pendant deux ans. Ils ont aussi réalisé un dépliant destiné au public, une fresque de collages à partir d’anciennes brochures retrouvées dans les cartons du théâtre. Cette année anniversaire était tournée vers la jeunesse, car pour Charles, les soixante ans sont un point de départ : notre rôle est de fabriquer les spectateurs des soixante prochaines années.

Vincent, avec Charles, tu as imaginé un film autour de Châteauvallon, « Do you know Châteauvallon? » tourné avec des enfants. Comment s’est déroulé le tournage et quel rôle ont-ils joué ?

C’est une idée de Charles. Je réalise le film avec Geoffrey Fages et Éloïse Mercier à l’écriture, et dix-sept enfants du centre « Des enfants, un quartier, la vie », dans l’aire toulonnaise. Une aventure de deux ans. Nous avons mis entre parenthèses les « Courts-métrages en liberté » pour mener à bien ce projet : une année de tournage, une année de montage et de rencontres. Nous avons tourné vingt-et-un jours avec les enfants. Le dispositif est double : les enfants réalisent leur film pendant qu’une équipe professionnelle les filme. Ils ont mené des micros-trottoirs, questionné les spectateurs, interrogé des artistes qui ont marqué Châteauvallon : Gérard Paquet, le créateur, Boris Cyrulnik, Régine Chopinot, Angelin Preljocaj, Joël Pommerat, Jeanne et Yvan Komatis… Ils ont rencontré les enfants des Ateliers en liberté, l’équipe du théâtre. L’idée était de partir de Châteauvallon et d’élargir : qu’est-ce que la culture hier, aujourd’hui, et demain ? Châteauvallon s’y prête parfaitement : un lieu dédié depuis soixante à la culture, à l’humanisme et à la science, tel que l’avaient imaginé Simone et Henri Komatis et Colette et Gérard Paquet.

Fabrice Lo Piccolo.

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