Stéphanie Slimani & Benoît Olive – Les femmes peuvent se suffire à elles-mêmes.

08.02 –  » Il me reste moi ( et c’est bien assez) » – Café-théâtre 7ème vague – La Seyne-sur-Mer

Pour son nouveau spectacle, Stéphanie a choisi un sujet qu’elle connait de près : la femme. Mais, à l’encontre de la tendance actuelle, elle a souhaité parler des femmes puissantes, avec l’aide du musicien Benoit Olive. Poésie, musique jouée sur scène, chorégraphie, cette oeuvre originale, hybride et intense, vient interpeller le spectateur.

Qu’est ce qui t’a donné envie de présenter ces femmes, loin de l’image habituelle ?

Stéphanie : C’est une série de réflexions sur moi et ma place en tant que femme artiste, et sur l’air du temps, des lectures, ou ce que j’ai pu voir d’autres femmes. Le mot victime revenait tout le temps dans l’actualité et les conversations, comme collé à l’image de la femme. Mais l’inverse existe aussi : la femme puissante, ou criminelle… J’ai proposé le projet à Benoit, musicien et à Florie Laroche, danseuse, qui sera finalement présente sous la forme d’une marionnette. Au départ, j’étais récitante, et Florie occupait le plateau en dansant. Mais elle a dû quitter le projet, et on a réaménagé l’espace avec d’autres interactions. Ce n’est pas un concert, une pièce, une chorégraphie ou un récital poétique, mais tout cela à la fois. Je voulais croiser nos univers artistiques respectifs, car on se nourrit des autres.

Tu as écrit toi-même les textes du spectacle…

Stéphanie : Le texte est intimement lié à la musique de Benoit. Il y a huit tableaux, dont six portraits. Nous avons eu quelques mois de lecture commune, de réflexion, pour savoir de qui on parle et comment on en parle. J’ai écrit, en tenant compte du regard de Benoit. Au départ, j’étais trop littéraire et bavarde. Il a fallu être plus poétique, lier les mots et la musique, que les mots se glissent dans la musique. Nous avons créé le spectacle en résidence au Télégraphe. C’est très différent de mon univers habituel, tourné vers le jeune public. Quand on joue des choses fortes, cela remue. Nous ne voulions pas tomber dans la dénonciation ni dans la tribune féministe, mais donner à entendre des histoires universelles. Il n’existe pas que la femme douce et maternelle, mais aussi l’infanticide, la criminelle, la sorcière. Nous racontons et le public en fait ce qu’il veut.

Comment s’est passée la création musicale, sur quel matériau as-tu travaillé ?

Je suis arrivé avec un peu de matière musicale et sonore. En lisant les textes pendant la résidence, j’ai vraiment commencé à instrumentaliser, à composer. Certains tableaux sont nés instantanément, d’autres, dans la douleur, ont mis des mois à se construire. Océane Fillon est venue finaliser la mise en scène, travailler les détails, les finitions. Au départ, je viens du jazz et de la musique progressive. J’ai crée une musique assez sombre, répétitive, qui s’enrichit petit à petit. J’utilise un synthé, une guitare électrique, de la voix, et un looper. C’est un travail par couche, sur une base d’accords et de mélodies enrichis au fil du portrait. C’est joué en live. C’est ce qui fait l’intensité du spectacle. C’est un sujet fort, très intense à jouer, le spectateur le ressent. Je travaille les harmonies, ce qui donne l’impression d’un orchestre parfois. D’autres fois, c’est très sobre.

Quel est l’apport de la marionnette ?

Au départ c’est le double de Florie, et son visage angélique. Elle dérange, elle a l’air réelle, et fascine par ses qualités étranges. Comme ces femmes qui fascinent et repoussent. L’histoire pourrait être réécrite en ne parlant que de femmes puissantes. Si la femme perd tout que lui reste-t-il ? Elle-même, et c’est suffisant. En tant que femme on peut se suffire à soi-même, mais on ne le dit pas assez, et les femmes ne se l’autorisent pas assez.