Stéphanie Slimani & Killian Chapput & Benoît Olive – Sublimer le laid.

THEATRE
« La métamorphose »
Présentation aux professionnels
Samedi 26 février – Espace Culturel Tisot – La Seyne sur Mer

Après le succès de « Journal d’un fou » de Gogol, Stéphanie s’attaque à un autre grand classique : « La métamorphose » de Kafka. Pour ce nouveau seul scène, elle a demandé à Killian d’interpréter Grégor, et à son complice Benoît de mettre en œuvre toute sa créativité pour créer un univers sonore digne de l’étrangeté de la nouvelle.

Pourquoi avoir choisi ce classique ?

Stéphanie : Je l’aimais et l’ai redécouvert il y a peu. Ce texte fait résonnance au premier confinement, un changement très brusque et très profond. Là, le personnage se réveille transformé en cafard, confiné dans sa chambre et dans ce nouveau corps. J’aime Maupassant, Lovecraft, ce côté surréaliste, fantastique. Pour démarrer, j’ai donné une liste de mots à Benoît : fourmis, insectes, organique etc. Et on a proposé à Killian de participer à cette aventure. On voulait travailler tous les trois ensemble depuis quelques temps déjà.

Benoît : Les thèmes m’ont marqué : l’aliénation par le travail, la discrimination par l’altérité. Sa nouvelle condition pourrait représenter n’importe quel handicap.

S : Il devient improductif, bien qu’il reste qui il est. Il y a un lien réel entre le monde humain et celui des insectes. La voix-off a une froideur clinique, comme une passerelle vers cet autre monde. Elle est en opposition avec le corps de Killian, très vivant, lui.

Killian, comment appréhendes-tu ce seul en scène ?

Killian : A l’idée de créer « La métamorphose », je me suis dit : « wow » !. On avait pensé travailler sur la marionnette, une des spécialités de Stéphanie. Mais non, le but n’étant pas de montrer un cafard, mais une transformation. Je devais perdre mon côté humain : au départ, le corps est normal, puis un petit défaut, et ce corps se désarticule. On a aussi travaillé le rythme, avec des parties dansées. C’est mon premier seul en scène, mais j’aurais mal vécu n’avoir que du texte. Je ne suis pas qu’un comédien, je suis beaucoup dans le physique, dans un mélange de théâtre et de danse. L’élément central est un lit, fabriqué par « Le Nez » : j’y danse, m’y appuie, rampe, m’agrippe, bondis. Je ne peux pas avoir de temps mort, je dois tenir pendant cinquante minutes, et la composition de Benoît m’y aide. On a aussi travaillé des scènes à partir de tableaux, comme ceux de Gustave Courbet.

Benoît, comment as-tu composé cette bande originale ?

B : Nous avons d’abord créé le déroulé du spectacle puis je me suis mis à réfléchir à la musique. C’est une création, avec des parties sonores et des parties musicales qui créent une certaine tension. J’ai travaillé autour du champ lexical de l’insecte, avec des bruits de digestion, de grouillement, de mastication, mais sans être illustratif. Tout est déformé, avec beaucoup d’effets. David Lynch nous a beaucoup inspirés pour l’univers visuel et sonore, par son étrangeté. Il y a des parties rythmées, dansées, musicales, et d’autres parties qui doivent laisser la place aux voix-off.

S : C’est un spectacle drôle aussi, il y a même du clown. A un moment, Killian doit s’habiller mais les objets prennent vie et s’emparent de lui. On a fonctionné par tableaux, certains sont tendres, d’autres très puissants, d’autres très clownesques. C’est un univers surréaliste, un peu dadaïste, et tout part du comédien. Avec peu d’objets, on fait voyager dans un univers de sons, d’émotions, presque de science-fiction. Dans mon travail, je suis intéressée, entre autres, par la fascination du morbide, ces choses que l’on ne peut s’empêcher de regarder. Là c’est quelqu’un qui dépérit, et on doit trouver le lien entre le sublime et le laid.

Mai 2021