TAÏRO – La force tranquille.

>>Cela fait bientôt trente ans, depuis le ragga des sound systems parisiens des années 90, que la voix de Taïro irrigue le paysage du reggae hexagonal. Des festivals internationaux à ses hold-up dans la scène rap en passant par le cinéma, il s’est imposé comme un artiste libre. Néoules l’accueille.

Comment est né votre dernier album ? Pourquoi l’avez-vous intitulé « 360 » ?
360, c’est la direction de mon inspiration pour ce disque. C’est un double album que j’ai écrit et co-composé pendant les épisodes Covid. C’était un moment où je n’avais pas d’échéances et donc pas d’agenda pour sortir quoi que ce soit. C’était très agréable, parce que je revenais à cette façon de faire de la musique que j’avais quand j’étais jeune. Je créais des morceaux les uns après les autres sans me dire que j’étais en train de faire un album. Je suis donc allé dans toutes les directions. Enfin, pas dans toutes : je n’ai pas fait de musique classique ni de jazz, mais j’ai regardé un peu partout dans mes influences à moi : le rap, la soul, le reggae. C’est un album dans lequel j’ai pris beaucoup de libertés.

Qu’est-ce qui vous a guidé dans l’écriture des chansons ?
Je pense tout de suite au premier single, qui s’appelle « Nour ». C’est une chanson pour ma fille, mais qui entre en résonance avec l’imaginaire que j’avais de sa future naissance. Je pense aussi à la chanson « Le futur », à la fois réflexion sur ce qu’on va léguer à nos enfants et remise en question de nos comportements, de notre façon de consommer les objets et le vivant. C’est ça qui m’a guidé, un souci de transparence et d’honnêteté envers l’auditeur. J’essaie d’être proche de moi-même afin de permettre aux gens de se reconnaître dans ce que je chante, pour qu’eux-mêmes puissent l’exprimer et le dire. Enfin, « 360 » a été un retour vers moi-même, à l’origine des raisons pour lesquelles je faisais de la musique, par plaisir, par conviction, par envie de partager des émotions, des indignations, des points de vue.

Vous avez invité plusieurs artistes sur cet album. Pourquoi est-ce important pour vous de les associer à votre musique ?
L’espace de création est presque encore plus exaltant quand on le partage. Tout de suite on a un retour, un jeu s’instaure. Parfois j’ai ressenti de la fatigue vis-à-vis de la scène, mais jamais pour fabriquer des chansons. C’est un moment de récréation. Je prends beaucoup de plaisir à chercher la thématique, ce que je vais raconter, l’angle par lequel je vais aborder le sujet, voir comment mon idée peut être pertinente, trouver la mélodie, les mots avec lesquels je vais pouvoir rendre une émotion le plus juste possible… Cette recherche est assez ludique et quand on la fait avec quelqu’un, c’est hyper stimulant.

Par vos parents, vous possédez une double culture franco-marocaine. Cela a-t-il une influence sur votre travail ?
Jeune, on m’a souvent demandé : tu te sens plus français ou plus marocain ? À la réflexion, je me suis dit que j’aurais très bien pu être chinois, congolais ou thaïlandais. En tout cas, cette double culture me permet d’avoir de l’empathie, de me mettre à la place des autres. Le fait aussi que je porte des locks, que je fasse une musique qui n’est ni marocaine ni française mais jamaïcaine à l’origine, augmente encore mon métissage : où que j’aille, on ne me regarde jamais comme un étranger mais plutôt comme un voisin. Ça permet de rencontrer les gens, de découvrir des cultures, d’être facilement accepté. Je suis en demande de ça, dans la vie et dans ma musique aussi : me mettre à la hauteur de l’autre pour qu’on puisse se regarder en face, avec bienveillance et respect.
Dominique Ivaldi

2puikan ? 1996.

Yssondou ?? Paris.

Sajoukoi ?! Du ragga au trap, du reggae à la soul, du rap aux sons afro.

Mékicé ?! Ismaël Jolé-Ménébhi dit Taïro, d’après l’anglais « tyro » signifiant « apprenti ». Auteur-compositeur-interprète. Chant lead.

Titehistoir’… C’était en 2009. J’étais en bas de chez moi à Ménilmontant, j’attendais quelqu’un. Sur la place il y avait un type balèze avec une cicatrice qui allait de la bouche à l’oreille. Il est venu vers moi et m’a dit : « C’est toi, Taïro ? La chanson « Je ne t’aime plus », c’est toi, non ?! Moi non plus, frérot, je ne l’aime plus ! » Il parlait d’une fille qui l’avait quitté. Et il m’a pris dans ses bras.