Tarek Ben Yakhlef – Réédition d’un ouvrage culte

>> »Paris Tonkar », édition anniversaire, disponible en librairies.

Tarek, peintre et auteur pionnier, réédite « Paris Tonkar », son ouvrage culte consacré à l’histoire du graffiti en France. Alors que l’édition originale de 1991 est devenue rare et précieuse, cette réédition anniversaire, enrichie de nouveaux contenus, est désormais disponible. Retour sur l’histoire et l’évolution du graffiti à travers les yeux d’un témoin privilégié.

Pourquoi avoir souhaité rééditer « Paris Tonkar », et quel est le nouveau contenu de cette édition anniversaire ?
En 1998, « Paris Tonkar » a cessé d’être commercialisé. Depuis, il est devenu extrêmement rare et recherché. Beaucoup de personnes qui ont grandi avec ce livre n’ont pas pu l’acheter à l’époque, et une certaine spéculation s’est installée autour des rares exemplaires existants. En 2010, avec le lancement de « Paris Tonkar Magazine », nous avons envisagé une nouvelle édition. Mais avant tout, il était important de permettre à ceux qui n’avaient jamais eu l’occasion de l’acquérir d’avoir accès au livre original, surtout que lors de sa sortie, certains ne pouvaient pas se l’offrir. Nous avons donc décidé de proposer une édition limitée à un prix accessible, malgré son statut de livre d’art. Pour cette édition anniversaire cartonnée, nous avons ajouté seize pages, avec un avant-propos inédit et une mise en page améliorée. Certaines photos sont présentées dans leur intégralité ou en couleur, et l’ensemble a été aéré pour rendre le livre plus agréable à lire. Cette version représente à 99 % celle de 1991, mais avec des changements de forme qui mettent encore plus en valeur son contenu. On peut retrouver cette édition anniversaire dans toutes les librairies, dont la librairie Falba à Toulon, dans les FNAC…

Qu’est-ce qui t’a attiré personnellement dans le tag et le graffiti ?
À l’adolescence, l’interdit avait une forte attraction. J’ai grandi à Paris, une ville où transgresser les règles était presque naturel pour les jeunes. Le tag, à l’époque, était vraiment interdit, contrairement au smurf ou au BMX, qui restaient underground mais tolérés. Quand j’ai découvert les métros peints à Londres, j’ai réalisé qu’il y avait plus à explorer que le simple tag. Ça a éveillé en moi une envie d’aller plus loin sur le plan artistique. J’achète des magazines comme « Subway Art », et développe ma technique, tout en commençant à peindre aussi sur toiles et sur papier. Mais je souhaitais également écrire des livres, et j’ai donc débuté par « Paris Tonkar ». Cet interdit originel m’a permis d’explorer ma passion et de devenir auteur de livres et de BD. Ce fut le cas de nombreux autres street artistes de cette époque.

Comment perçois-tu l’évolution du street art depuis tes débuts ?
À mes débuts, nos principales influences venaient de New York, des pionniers du graffiti. Mais à partir de 1989, une nouvelle génération, dont je fais partie, a émergé avec une identité propre, en mélangeant notre culture parisienne et française. C’est à ce moment-là que le graffiti français a commencé à s’affirmer, et « Paris Tonkar » en est le témoin. Aujourd’hui, les artistes ont accès à une telle base de données qu’ils peuvent être efficaces immédiatement. A cette époque, cela prenait beaucoup plus de temps de s’affirmer, mais cela nous permettait aussi de développer notre propre style. Le street art est passé de l’underground à un phénomène de mode, puis de société, pour devenir aujourd’hui un courant de l’art contemporain. C’est aussi devenu un phénomène mondial, pratiqué sur tous les continents. C’est la première fois dans l’histoire de l’art qu’un mouvement devient véritablement global. C’est un art de notre époque, un langage visuel partagé à travers des cultures et des alphabets différents. Internet a facilité cette mondialisation, mais à mon époque, un livre comme « Paris Tonkar » était une référence indispensable pour ouvrir de nouvelles perspectives.

Peux-tu nous en dire plus sur la nouvelle édition de « Paris Tonkar », à venir ?
En consultant mes archives pendant la prévente de cette nouvelle édition réalisée avec Florent Massot, mon éditeur, cela m’a donné envie de démarrer un autre ouvrage, intitulé « Vandalisme », qui sortira en mars 2025. Il s’intéresse à l’aspect illégal du graffiti, souvent mal compris et condamné. Quant à la prochaine édition de « Paris Tonkar », elle sera enrichie de nombreuses nouvelles œuvres, avec de grands murs par exemple, et ce sera l’aboutissement d’une réflexion de trente ans sur le sujet.

Fabrice Lo Piccolo

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