Teona Strugar Mitevska – Sept jours pour devenir Teresa.

Teresa », en salles de cinéma.

 

Avec « Teresa », Teona Strugar Mitevska signe un film intense et profondément humain sur les sept jours qui ont façonné la vocation de Mère Teresa. Rencontre au Pathé Toulon avec une réalisatrice qui ose regarder les saints comme des êtres humains… et le cinéma comme un espace d’émancipation.

 

Comment s’est passée votre rencontre avec le personnage de Mère Teresa ?

Il y a une quinzaine d’années, la télévision macédonienne m’a demandé de réaliser un film sur Mère Teresa, puisqu’elle est née à Skopje, tout comme moi. Au début, cela ne m’intéressait pas : je me disais que tout avait déjà été dit. Mais j’ai commencé à chercher un angle. En travaillant sur ce documentaire, j’ai véritablement découvert Mère Teresa. Et j’ai ressenti un écho très fort entre son parcours et le mien. J’ai toujours dû me battre pour m’autoriser à être qui je suis. Elle, au contraire, se donnait pleinement ce droit. C’est ainsi que j’ai décidé de faire ce film. Je voulais raconter une figure historique non pas idéalisée, mais humaine — avec ses forces, ses faiblesses, ses contradictions. J’espère que ce film peut avoir pour d’autres personnes le même effet libérateur qu’il a eu pour moi.

Pourquoi avoir concentré le récit sur sept jours ?

Historiquement, cette transition a duré entre six mois et un an et demi. Mais j’admire beaucoup les films de Sokourov : il m’a appris que limiter le temps et l’espace permet d’aller à l’essentiel. Les sept jours ont une dimension symbolique : ici les sept jours de la création d’une femme qui décide de tout quitter pour se lancer dans l’inconnu. Dramaturgiquement, condenser les événements nous permettait d’explorer en profondeur son cheminement intérieur. Le film est extrêmement documenté, mais Agnieszka est un personnage inventé. Pour moi, « Teresa » est aussi un film sur ce que signifie être mère… d’un enfant ou « mère du monde ». Ce n’est pas un sacrifice, je n’aime pas ce mot, mais un choix. Qu’abandonne-t-on pour accomplir ce que l’on doit faire ? Agnieszka représente en quelque sorte « l’autre visage » de Teresa — tout ce qu’elle n’est pas, tout ce qu’elle ne s’autorise pas. Dans la scène où Agnieszka annonce sa grossesse, il y a presque une forme de jalousie dans la réaction de Teresa. On voit apparaître un désir profondément humain.

 

Parlons de vos actrices : Noomi Rapace, Sylvia Hoeks. Comment les avez-vous choisies ?

Pour Teresa, je cherchais quelqu’un de petit, d’intense, presque comme une boule d’énergie, un petit Napoléon. Mon producteur m’a suggéré Noomi Rapace, et c’était une évidence. Pour Agnieszka, je voulais une présence élégante, presque sculpturale. Sylvia Hoeks correspondait parfaitement à cette idée d’une figure sensible et forte à la fois.

Il y a un travail très fort sur l’image, mais aussi sur le son : Comment avez-vous abordé cette dimension ?

Le son était essentiel dès le début. Nous savions que le film aurait une énergie rock, presque punk. La compositrice, Magali Gruselle, crée tout de manière analogique, avec ses propres instruments. Rien n’est synthétique. Un deuxième compositeur, installé à Paris, a travaillé dans le même esprit. Tout est organique et cela donne au film sa texture particulière, à la fois réaliste et intérieure.

Vous présentez votre film ce soir au Pathé Toulon. Qu’aimeriez-vous que le public retienne en sortant de la salle ?

J’aimerais que les gens soient touchés, qu’ils apprennent quelque chose sur eux mêmes. Que le film leur ouvre les chakras, qu’il leur donne l’envie d’oser un peu plus.

Grégory Rapuc.

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