Véronique Olmi – Dénoncer le scandale des enfances malmenées.
>>La Fête du livre du Var à Toulon les 22, 23 et 24 novembre
Connue comme romancière, dramaturge et scénariste française, Véro- nique Olmi, dans son dernier livre » Le courage des innocents « , plonge ses lecteurs dans le monde cruel des enfants perdus qui naviguent de foyer en famille d’accueil, et raconte avec émotion l’histoire d’un jeune homme, qui tente d’alerter le monde sur la situation des enfants ukrainiens kidnappés et déportés en Russie. Véronique Olmi sera une des invitées d’honneur de la vingt-septième Fête du Livre du Var.
Victor Hugo disait que les poètes, les écrivains, les artistes en général ont un rôle politique, qu’ils doivent « éveiller les consciences », est-ce une des raisons qui vous a fait prendre la plume ?
Pas vraiment, je ne me sens pas cette charge-là. À l’époque de Victor Hugo, on prenait la parole si l’on était politicien ou écrivain, aujourd’hui l’éventail est plus large, et j’écris surtout pour essayer de comprendre ce que je ne comprends pas. C’est toujours la question du bien et du mal à travers des prismes différents. Il se trouve que ça dénonce, que c’est engagé, que c’est un geste qui n’est pas décoratif ou de loisir, mais c’est très loin d’être un manifeste.
Votre dernier livre aborde le sujet des enfances malmenées et la déportation d’enfants ukrainiens en Russie, pourquoi ces thèmes ?
Parce que je pense que nous sommes responsables des enfants, et que se taire est une sorte de complicité. Je crois que la négligence est une maltraitance en soi, et que si nous ne les défendons pas, qui va le faire ? Si nous laissons la maltraitance et les crimes s’installer, alors c’est comme une démission face à eux, face à nos responsabilité et à l’avenir.
Que dire du fait que même informés, nous ne fassions finalement pas grand chose pour ces enfants ukrainiens, ni pour d’autres horreurs dont nous sommes également au courant ?
Je n’ai pas la réponse, mais je suis sidérée. Ce n’est pas un scandale et je ne comprends pas pourquoi. Peut être qu’il y a un déni, parce que c’est trop proche de nous, et je préfèrerais que ce soit un déni plutôt que de l’indifférence, car dans le déni, il y
a une sidération devant une réalité trop dure. Pourtant, l’ONU est alertée, tout le monde peut voir la propagande russe sur les réseaux sociaux ou dans des reportages. Les kidnappeurs filment les enfants qui arrivent par bus, par train, par avion, les images montrent les nouvelles familles qui attendent les enfants avec des nounours et des ballons roses. On le voit, c’est revendiqué. On les voit également tout-petits, formés dans les camps milita- ro-patriotiques, il n’y a pas de fantasmes ou de fake news là-dessus. Pourquoi n’est-ce pas un scandale qu’aujourd’hui des enfants soient déportés ? Je ne comprends pas. Il y a beaucoup de choses que l’on sait et que l’on tait, mais là, c’est une guerre dans laquelle nous sommes engagés, cela se passe sur le sol européen, nous avons accueilli des milliers de familles ukrai- niennes et la proximité devrait jouer un rôle dans l’empathie, mais non. Je pense qu’à nos yeux, ce sont les enfants des autres, et donc que ce n’est pas grave, on ne s’en soucie pas…
Qu’appréciez-vous le plus dans le fait de rencontrer vos lecteurs dans des évènements comme les fêtes du Livre ?
Dans ces moments-là, tout à coup, le mot lectorat est incarné. Ces personnes existent, et je suis très touchée car – j’ai un certain nombre d’écrits maintenant à mon actif et parfois les gens ont tout lu et sont vraiment rentrés dans mon univers. Il y a toujours plusieurs livres, celui que l’on a écrit et celui qui est lu. Et heureusement, celui qui est lu l’est différemment selon chaque lecteur et c’est tout cela que je rencontre. Ce qui compte n’est évidemment pas l’acte marchand, qui se fait sans moi, c’est le dialogue qui est important, c’est un geste d’échange : je tends mon livre dédicacé et vous m’offrez votre parole.
Weena Truscelli