Xavier Garcia – Un mélange d’univers antagonistes

Hors-série Fimé 2022  – Le mardi 15 novembre 2022 – Liberté scène national de Toulon 

Xavier Garcia et Guy Villerd, membres du Collectif ARFI (l’Association à la Recherche d’un Folklore Imaginaire), forment le duo Actuel Remix. Pour la création musicale du chef-d’œuvre de Fritz Lang « Metropolis », dans sa version intégrale, ils ont travaillé sur la musique de Richie Hawtin figure majeure de la scène techno et sur l’œuvre de Iannis Xenakis, pionnier de la musique électroacoustique.

Pour ce spectacle vous avez réalisé une bande-son sur le film culte « Metropolis », qu’est-ce qui vous a donné envie de faire un pont entre votre musique très actuelle et l’expressionnisme de Fritz Lang?
Lorsque l’on a fait cette création, la version intégrale du film venait de ressortir. Dans sa première version, le film durait effectivement 2h30 et très rapidement, il a été coupé par le distributeur américain et réduit à 1 h15. Pendant de nombreuses années, on pensait qu’on avait définitivement perdu ces parties du film, mais en 2010, on en a retrouvé un long morceau, en seize millimètres et en mauvais état. Mais la pellicule a été restaurée et une entreprise allemande a réédité le film dans une version quasi-intégrale. C’est ce qui nous a donné l’idée de travailler sur ce film. Évidemment, travailler sur un chef-d’œuvre du muet est très intéressant pour un musicien. Il n’y a pas de paroles, ça laisse toute la place à la musique ! Ce n’est pas comme créer la musique d’un film actuel, qui passe derrière les dialogues. Là, on est au premier plan, on joue vraiment un rôle dans le film.

Depuis les années 90, vous composez avec Guy Villerd le duo Actuel Remix, comment procédez-vous lorsque vous travaillez ensemble ?
Nous sommes assez complémentaires. Nous avons déjà fait un certain nombre de ciné-concerts. Notre idée de base est de mélanger de la musique électro à de la musique de compositeurs contemporains. On ne crée pas les sons, on les réutilise, mais avec une vraie transformation. C’était un pari, car nous utilisons souvent des musiques qui ne sont pas du tout créées par des artistes de même style, c’est souvent très antagonique. Ici, nous avons créé, avec Guy, un long morceau de musique pour ce film, à partir de matériau commun que nous avions récolté : des extraits de musique de Iannis Xenakis, compositeur de musique contemporaine, et de Ritchie Hawtin, artiste électro. On s’est partagé le film en différentes sections et on a travaillé chacun de notre côté, mais comme nous avions ce matériau commun, c’est homogène. Et sur plus du tiers du film, nous avons travaillé ensemble et nous jouons ensemble pendant le ciné-concert.
Sur la musique de Xenakis, par exemple, on a échantillonné certains passages, comme une pièce de percussions qui s’appelle « Rebonds ». Ce peut être des moments très courts, de quelques secondes, ou plus longs, jusqu’à trente ou quarante secondes. Ensuite c’est remonté, remis en rythme par rapport aux tempos d’Hawtin et au film. On superpose, on enchaîne les deux matériaux, on les fait fonctionner ensemble. Il y a un travail de recomposition assez poussé, la musique de Xenakis est assez éloignée de l’électro !

Quel est le travail spécifique à un ciné-concert ?
Nous réalisons des concerts et des ciné-concerts. Comme je disais, lorsqu’on travaille sur un film muet, on a énormément de place. Sinon, il n’y a pas tant de différence que ça. Bien entendu, le film dicte la partition. On s’intéresse au scénario et à la structure du film. Les durées sont fixes, c’est un peu plus contraignant, il reste moins de place pour l’improvisation.

Pourquoi et comment intervient l’improvisation dans votre travail ?
Là, il y a assez peu de place pour l’improvisation. Nous utilisons un logiciel de DJ qui s’appelle Traktor qui permet, sur une trame précise, de rajouter des effets supplémentaires, de la réverbération, des mises en boucle. On peut rajouter un tas d’effets électroacoustiques sans changer la durée du résultat. On retraite le son en direct, sinon autant appuyer simplement sur un bouton. Là, nous travaillons sur les sentiments, les émotions en direct. Ce n’est pas vraiment de l’improvisation, mais ce n’est écrit nulle part, c’est un travail d’ornementation, c’est caractéristique du travail de DJ.

Valentin Calais

Metropolis

DE FRITZ LANG

Film muet – Noir & Blanc – Allemagne – 1927 – 2h33.

Avec Alfred Abel, Gustav Fröhlich, Brigitte Helm, Rudolf Klein-Rogge. Dans une immense cité du troisième millénaire, les ouvriers forment une caste d’esclaves relégués dans une ville souterraine, tandis qu’une élite privilégiée vit dans une oisiveté paradisiaque. Freder, fils du maître de la ville, tombe amoureux de Maria, jeune habitante des catacombes… Fresque gigantesque et visionnaire du muet, « Metropolis » représente l’aboutissement du mouvement expressionniste allemand, mais aussi un des sommets du cinéma muet. Poursuivant le pessimisme du « Cabinet du Docteur Caligari », Fritz Lang l’élargit à l’ordre architectural et social. Il dira d’ailleurs : « Metropolis est né du premier regard que j’ai jeté sur les gratte ciel de New York, en octobre 1924. » Cette version avait été présentée à Berlin en 1927, puis avait subi des coupes par la Paramount pour en faciliter l’exploitation. Les scènes coupées étaient considérées comme perdues jusqu’en 2008 où elles ont été retrouvées au Musée du cinéma de Buenos Aires en Argentine, suscitant l’émoi chez les cinéphiles.

Lien vers le site du FiMé Festival 

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