Alex Vizorek – Peut-on mourir de rire ?

“Ad Vitam“, le 5 mai au théâtre Galli à Sanary-Sur-Mer

Après une tournée triomphale avec son spectacle sur l’art « Alex Vizorek est une oeuvre d’art », l’humoriste revient avec un thème indémodable, celui de la mort. Nommé aux Molières 2022 dans la catégorie Meilleur spectacle d’humour, « Ad Vitam » nous rappelle “qu’une vie ne se mesure pas à sa longueur mais à sa largeur“ (Ibn Sina).

Choisissez-vous les thèmes de vos spectacles, l’Art, puis la mort, parce que ce sont des thèmes faisant appel à une réflexion personnelle, où il reste un espace pour la liberté de penser ?
Je ne l’avais pas formulé comme ça, mais la réponse est oui ! Je n’aime pas les thèmes fermés, qui peuvent fonctionner pour une chronique de quatre minutes, mais pas pour un spectacle d’une heure et demie qui a besoin d’un sujet très ouvert qui permette des entrées parfois pointues, parfois légères, sérieuses ou complètement loufoques. Quand j’ai perçu avec mon spectacle sur l’art que le fait qu’il y ait une thématique plaisait au public, plutôt que de parler de ma vie, de nos vies, comme font beaucoup de mes collègues (nous sommes très nombreux et tant mieux), j’ai cherché le thème le plus difficile à traiter quand on est humoriste et, à priori, la mort me paraissait arriver dans le Top 3 ! Personne ne peut dire que cela ne le concerne pas. J’avais une petite angoisse sur le fait que certains ne veuillent pas entendre parler de ça, mais cela fait un an que le spectacle tourne et je n’ai eu aucun retour de spectateur ressassant un mauvais souvenir. Au contraire, on se sent plus fort quand on peut rire de quelque chose. Rire de la mort nous met en position de force vis à vis d’elle, c’est un bon exutoire.

Le fait que l’athéisme se répande dans nos contrées explique-t-il cette peur de parler de la mort ?
La vie et la mort sont indissociables pourtant et, si l’une n’était pas là, l’autre serait moins excitante. Mais, toutes les sociétés n’ont pas les mêmes tabous devant la mort. Quant aux religions, elles me semblent encore très présentes. Je l’analyse évidemment en tant qu’athée, mais le sentiment que j’ai est que dans ce qu’on appelle les trois “grandes religions“, la vision de la mort est un peu similaire, une espèce de décision divine de nous rapatrier ! Il existe également des formes de croyances dans lesquelles la mort à un côté plus joyeux, plus festif…

Pourquoi ne pas vouloir que le spectacle soit filmé ?
Je suis parmi ces humoristes très présents à la radio et à la télé, je travaille pour des média publics et j’en suis fier, mais on dispose de mes blagues et d’images de moi gratuitement. Pour la démarche de la scène, qui est celle que je préfère, j’ai envie que les gens qui payent et se déplacent pour passer la soirée avec moi découvrent vraiment les surprises que réserve le spectacle. Vers la fin de la tournée, tout sera filmé puis je l’espère, diffusé à la télévision.

L’art des humoristes est-il le dernier à pouvoir mettre le politiquement correct de côté ?
Oui. A l’époque des attentats de Charlie Hebdo, on nous a beaucoup écrit pour nous témoigner du respect et souligner l’importance de notre travail. Mais notre but n’est pas que les gens nous aiment, même si on apprécie cela. Nous avons été un peu surpris par ce flot d’affection, avant un retour à la normale assez rapide… où l’on continue de se faire insulter par tout le monde. Mais c’est ce qu’il faut ! Si vous êtes toujours insulté par les mêmes, c’est que vous ne panachez pas assez votre travail ! L’idée est de ne pas toujours avoir la même cible, de se moquer de tout et de donner une vision un peu décalée de la vie, de la société, des angoisses de chacun, avec la possibilité d’une liberté de ton extrêmement appréciable.

Weena Truscelli

Théâtre Galli