Anthony Verchère – Peindre l’inconscient, l’instinct pour seul guide.
Exposition à la Maison des Artistes de Bormes les Mimosas du 28 juin au 17 juillet
Ni pinceaux ni certitudes : Thot (alias d’Anthony Verchère) peint à l’instinct, entre geste libre et illusion réaliste. Portes, cadenas, rouille… autant de signes qui interrogent le regard et le temps. À la Maison des Artistes de Bormes, il signe une exposition pensée comme un voyage intérieur.
Tu ne donnes pas de titre à l’exposition, mais chaque œuvre a un nom. Pourquoi cette différence ?
Parce qu’une exposition personnelle, pour moi, n’a pas besoin d’être « résumée » par un titre. Je ne suis pas dans une démarche conceptuelle ou collective. En revanche, chaque œuvre a son propre univers. Je leur donne un titre pour inviter à la lecture, susciter une interrogation, parfois même un trouble. Ce sont souvent des noms de villes, des mots, des références discrètes. J’aime quand les gens cherchent le lien, même s’il n’est pas toujours évident. Ça fait partie du mystère.
Ta pratique est très intuitive, presque instinctive. Est-ce que ça vient du fait que tu es autodidacte ? Et comment tu sens qu’une œuvre est achevée ?
Oui, c’est complètement lié. Comme je n’ai pas suivi de formation artistique classique, je n’ai pas de cadre imposé. Je me fie à mon ressenti, à une forme d’élan intérieur. Je commence sans idée précise, et je construis en avançant, parfois à tâtons. Le moment où je m’arrête, c’est quand je sens que la pièce “respire”, qu’elle tient debout seule. Si je pousse au-delà, je sens que je perds quelque chose. C’est une forme d’équilibre fragile, presque physique.
Tes œuvres mêlent souvent abstraction et éléments hyperréalistes, comme des portes, des cadenas ou des serrures. Pourquoi ce mélange, et qu’est-ce qu’il dit de ton approche artistique ?
C’est venu assez naturellement. Je travaille beaucoup à l’instinct, et le fait d’être autodidacte me laisse une grande liberté dans ma manière de construire une œuvre. Je pars souvent d’une composition abstraite, puis j’intègre des objets très figuratifs (portes, verrous, ferronneries) qui sont comme des symboles : le temps, l’attente, le mystère. J’utilise même de la vraie rouille pour rendre cette idée du temps qui passe tangible. Beaucoup de gens pensent que je colle des objets, mais tout est peint à la main, sans pinceaux ni stylos, juste par le travail de la lumière et du volume. L’illusion est essentielle, elle attire l’œil, mais derrière, il y a toujours une question plus profonde : est-ce que tu veux savoir ce qu’il y a derrière cette porte ? C’est une métaphore, presque une invitation à aller au-delà de l’apparence.
Tu vas exposer à Bormes-les-Mimosas. Peux-tu nous parler de cette exposition ?
Cette exposition à Bormes-les-Mimosas représente une vraie respiration dans mon parcours. C’est un lieu très inspirant, baigné de lumière, presque méditatif parfait pour accueillir mes toiles où dialoguent abstraction et hyperréalisme. On y retrouve mes obsessions : les portes, les serrures, les traces du temps, parfois matérialisées par de la rouille réelle. Ce sont des symboles d’intériorité, d’ouverture, de mystère. Et même si ma création reste intuitive et spontanée, j’ai aujourd’hui une vision très claire du montage. Je pense l’exposition comme une narration : je structure, je rythme, j’équilibre. Chaque œuvre est pensée en lien avec les autres, pour créer une progression, presque un parcours mental. Rien n’est laissé au hasard dans la mise en scène, même si l’émotion, elle, reste libre.
Julie Louis Delage