Asian Dub Fondation – Un son unique.
Festival de Néoules, du 20 au 22 juillet
Depuis les années 90, le groupe anglais distille un son mêlant les influences de leurs origines sud-asiatiques à des rythmes jungles, des basses dub, des guitares saturés et un chant proche du rap. Il défendra sur la scène de Néoules son dernier album, le très réussi « Access Denied ». Rencontre avec Steve Chandra AKA Chandrasonic, guitariste et membre fondateur du groupe.
Vous créez une musique unique, au carrefour de différents styles depuis plus de vingt-cinq ans, comment la décririez-vous et comment a-t-elle évolué ?
C’est très naturel pour nous de jouer cette musique. Dans la version italienne de La France a un incroyable talent, des candidats ont fait une reprise de “Flyover” et le jury a déclaré qu’ils étaient très courageux car nous étions à la croisée de tellement de styles que c’était très difficile. C’est surprenant car pour nous ça n’a jamais été très difficile, à cause de la nature même et des origines du groupe. Pandit G, Dr Das et moi avions traversé la période post-punk, qui a inclus le reggae-dub, dont le plus politique comme celui de LKJ. Nous étions aussi tous intéressés par la technologie, l’Electro, l’Acid-House, mais savions en même temps jouer des instruments conventionnels. Deeder Zaman, notre chanteur de l’époque, moi-même et d’autres membres du groupe étions aussi très impliqués dans l’éducation avec une connexion particulière avec les jeunes. A cette époque-là, leur musique, c’était la Jungle et c’est ce que nous avons joué. Nous avons pris des samples dans les disques de nos parents et avons commencé à programmer des rythmes électroniques et notre MC chantait jungle. Une fois que tu as trouvé ton propre son, tu crées une sorte de filtre. Tu peux alors prendre une chanson de n’importe quel style, la faire passer dans ce filtre et elle ressort avec ton son. Nous avons aussi été influencés par la musique d’Afrique du Nord, ou récemment par la Drill et dans notre dernier album par la trap. Mais on ne s’en aperçoit pas toujours car ça sonne comme du ADF, grâce à ce filtre.
Vous êtes connus pour être un des meilleurs groupes du monde sur scène, qu’est-ce que l’on pourra voir sur la scène de Néoules ?
Nous jouions un set similaire depuis plusieurs années et là nous allons voulu changer un peu. Nous avons un nouveau MC, Black Chronicle, qui nous rejoindra sur quelques morceaux. Nous avons aussi quelques titres assez novateurs, nous allons expérimenter sur cette tournée.
Comment composez-vous un morceau ?
Il n’y a pas une seule méthode et ça a évolué au fil du temps. Un membre peut arriver avec un morceau complet, comme je l’ai fait avec « Fortress Europe » par exemple, mais ensuite le groupe rajoute sa patte. « Naxalite » a été écrite pendant une session de jam et trois personnes différentes ont participé à l’écriture du texte. Idem pour « Buzzin’ ». Pour les nouveaux morceaux, j’écris en collaboration étroite avec Nathan « Flutebox » Lee et Black Chronicle, mais ils vont encore changer quand on va les proposer au groupe au complet. A nos débuts, on partait souvent d’un sample des disques de nos parents, d’un classique indien par exemple…
Votre dernier album « Access Denied » est plus militant que jamais. On y trouve un texte de Greta Thunberg, des feat. avec 47 soul ou le comédien engagé Stewart Lee, c’est encore plus important aujourd’hui de combattre socialement à travers la musique ?
Tu dois écrire ce que tu ressens, en restant vrai, et c’est ce que nous faisons. On ne se dit pas : « La situation est pire alors nous devons écrire des chansons encore plus politiques. ». La musique peut exprimer des choses de tellement de façons différentes. Notre méthode est très directe et explicite, mais ça ne veut pas dire que cela doit être le cas pour tout le monde.
Vous avez collaboré avec de nombreux artistes dont Radiohead, Sinead O’Connor ou Iggy Pop, qu’est-ce vous aimez dans cet exercice ?
Cela dépend de chaque artiste. J’ai écrit « 1000 Mirrors », les accords, la mélodie, les paroles, et j’ai fait une maquette avec Sonia Mehta qui chantait avec nous à l’époque d’ »Enemy of the Enemy ». Sinead O’Connor l’a écoutée et a voulu la chanter, je n’en reviens toujours pas ! Avec Ed O’Brien (Radiohead), nous avons passé un super moment en studio et il m’a même donné une guitare ! Nous avons aussi joué avec Radiohead à Bercy. Iggy Pop est venu à un concert en Croatie et m’a dit : « Vous êtes difficiles à suivre ! ». Iggy pop, un des plus grands performers de tous les temps ! Je crois qu’on aurait pu faire un peu mieux sur le morceau mais c’était très intéressant de travailler avec lui, c’est quelqu’un d’assez intellectuel et ouvert d’esprit.
5 questions à… Chandrasonic !
Qui t’a donné envie de jouer de la guitare ?
Syd Barrett sur “The Piper at the Gates of Dawn”, c’est tellement expressif !
Quelle est ta chanson préférée d’ADF ?
Cela varie. Je vais dire “New Way, New Life”, belle et simple.
Quelle chanson préfères-tu jouer sur scène ?
Les nouveaux morceaux, je suis curieux d’entendre comment ils sonnent.
Quelle chanson aurais-tu aimé écrire ?
“You’re all I need to get by” de Marvin Gaye et Tammi Terrell.
Ton artiste du moment ?
Nia Archives avec “So tell me”, et elle a participé à ma classe d’Histoire de la Musique !
Fabrice Lo Piccolo