Cendrine de Susbielle – Un supra upcycling
>>« Remix, les aliénés du mobilier national » jusqu’au 3 novembre
Cendrine de Susbielle est commissaire d’exposition au Mobilier national. Pour cette nouvelle exposition, « Remix, les Aliénés du Mobilier national » à l’Hôtel des Arts TPM dans le cadre la Design Parade, elle nous fait le récit de l’incroyable transformation de meubles déclassés.
C’est la troisième édition de ce projet, comment a-t-il évolué ?
Ce projet prend ses fondements avec la commande d’un ensemble de mobilier à Martino Gamper, Old furniture – new faces, en 2016, par le CNAP dans la Chapelle Saint-Louis des Gobelins, où le designer employa comme matière première des objets usuels déclassés du Mobilier national. On peut appeler ça du « supra upcycling »… L’idée, c’était de sauver les meubles ! Au Mobilier national, nous avons pour mission d’assurer la conservation et la restauration de nos collections, des dizaines de milliers de meubles et d’objets destinés à l’ameublement et au décor des édifices publics en France et à l’étranger, mais nous sommes aussi un acteur majeur de la création contemporaine et de la promotion des arts décoratifs à la française. Ce projet a repris forme il y a trois ans. Nous avons proposé à des artistes d’aller piocher dans ce catalogue de meubles déclassés et de les revisiter. Pour cette troisième édition, le programme continue en commissariat croisé avec la Villa Noailles et en partenariat avec le CNAP et le Centre Pompidou. Nous avons invité une trentaine de designers connus ou émergents dont une dizaine sont d’anciens lauréats de la Villa Noailles. Trois grands axes se sont dégagés : les supports, les surfaces et l’hybridation. C’est de cette manière qu’on a construit le catalogue. Les meubles sont non seulement destinés à être exposés mais aussi à meubler de nouveau les édifices publics. Certains gardent leur fonction, d’autres la perdent pour gagner une valeur purement esthétique.
Pourquoi avoir choisi ce titre d’exposition ?
« Remix » est un titre court, percutant et qui parle à tout le monde. Il a été emprunté à la culture de la musique et du numérique. Il rappelle qu’on ne crée jamais seul, que la culture se lit souvent sous l’angle du mariage. C’est un art du détournement, de la liaison, de la réappropriation qui met en perspective le passé et traduit le présent ; un brassage, une revalorisation par le haut, un esprit du temps.
Comment les artistes ont-ils été sélectionnés ?
La sélection a été faite sur invitation et non sur appel à projet. Nous avons principalement fait de la veille et présenté une liste au président du Mobilier National qui est l’opérateur et qui enrichit l’exposition de ses collections. Chaque pièce convoque des savoir-faire, c’est notre ADN ! Les artistes ont été choisis pour leur notoriété, la cohérence par rapport aux meubles et leur lien avec le territoire et la Villa Noailles.
Paul Bonlarron, lauréat du prix Mobilier national Design Parade 2022, s’est chargé de la scénographie. Comment a-t-il composé ses « tableaux » ?
Il a pris comme fil conducteur la couleur et a recréé des décors fantasques dans cet ancien hôtel particulier. L’idée, c’était de transformer ce lieu en étudiant les usages et en créant de nouveaux univers narratifs, de croiser des registres, produire des ambiances imaginaires qui tissent des liaisons culturelles et esthétiques entre les époques. L’exposition présente soixante-huit œuvres créées depuis le XVIIème siècle, dont une large sélection de tapisseries et de tapis de savonnerie contemporains. Ces tapis sont des œuvres d’art et ajoutent une valeur immersive à l’exposition.
Maureen Gontier