CHARLES BERLING – L’art est indispensable à la démocratie.

SPECTACLES VIVANTS
Le Liberté fête ses dix ans – du 5 au 25 septembre

Le Liberté fête ses dix ans. Nous avons rencontré son emblématique directeur qui revient pour nous sur le chemin parcouru par notre Scène Nationale et ses préoccupations d’avenir.

Comment est-ce que tout a commencé ?
Mon frère Philippe et moi avions le désir de diriger ensemble un théâtre dans le sud. Frédéric Mitterrand nous a annoncé qu’Hubert Falco en avait fait construire un en centre-ville de Toulon. Je l’ai rencontré et lui ai exposé notre projet de théâtre, ambitieux et tourné vers la Méditerranée. Il a très rapidement foncé.

Comment votre mission dans le paysage culturel toulonnais a-t-elle évolué ?
Nous avions proposé à la mairie de Toulon de mélanger compagnies régionales et nationales ou internationales, avec un ancrage méditerranéen. Nous avons dû trouver l’équilibre juste dans la programmation, tout en nous investissant au maximum au niveau de la Métropole avec des événements tels le Liberté Ville ou le Liberté Plage. Nous travaillons également beaucoup avec les écoles ou les associations. En 2015, nous sommes devenus Scène Nationale, tout comme Châteauvallon, ce qui nous donne une vraie liberté artistique, et Toulon mérite une scène de niveau national. En 2018, Christian Tamet est parti de Châteauvallon et on nous a demandé de diriger l’ensemble. Notre ancrage dans le territoire est fort et important, et, en même temps, nous avons des partenariats avec de grands artistes internationaux. Mais nous aimons l’éclectisme, nous ne repoussons pas les formes qui ne seraient pas le produit d’un réseau.

Quels ont été les moments les plus marquants pour vous ?
Il y en a eu à chaque saison, des joies énormes de voir des spectacles, et pas uniquement pour les grands événements. Par exemple, pour Courts-métrages en Liberté, c’est une telle joie de voir les familles réunies autour de leurs enfants réalisateurs. Également pouvoir jouer dans mon propre théâtre, comme cet été à Châteauvallon ou avec Daroussin et Fromager pour « Art », mettre en scène et travailler avec des artistes que j’aime, Emma Dante, André Dussollier, Fanny Ardant, il y en a tellement… C’est un mélange entre mon trajet artistique et mon travail de directeur. J’ai découvert ce métier il y a onze ans et les aléas des relations humaines, avec certains moments difficiles : les départs de mon frère, de Pascale Boeglin-Rodier ou de William Leclerc. Je suis aussi très attaché au service public et me demande toujours comment cette défense de l’art peut devenir pérenne dans la société, car l’art est indispensable à la démocratie. Aujourd’hui, nous sommes près de soixante employés et avec la fusion avec Châteauvallon, l’ambition est encore plus grande.

Comment voyez-vous les dix prochaines années ?
Je fréquente les institutions subventionnées depuis quarante ans. Il faut comprendre comment ces structures peuvent s’adapter au monde d’aujourd’hui et notamment aux outils numériques, plan sur lequel nous sommes très actifs avec la Septième Scène ou la Biennale du Numérique par exemple. Nous avons toujours le souci de ne pas nous trahir, de défendre les artistes et l’art, de faire découvrir des courants artistiques… On n’est pas là pour faire du commerce. On doit trouver un équilibre avec une véritable considération pour la société dans laquelle on vit, pour l’évolution du monde, au temps du capitalisme, avec une telle puissance de certains états. Avec toute l’équipe, je m’applique à construire la pérennité sur les trente prochaines années. J’essaie de comprendre comment on peut évoluer, comment prendre le virage de la transition écologique, du social, des habitudes culturelles d’aujourd’hui… Ma préoccupation est de rendre notre institution toujours plus attractive et toujours plus libre, à court, moyen et long terme, quand je ne serai plus là.

https://www.chateauvallon-liberte.fr/

Septembre 2021