Christine Zayed & Alexis Paul – Une broderie musicale.
>>Le 22 novembre à La Fraternelle à Correns
Alexis Paul et Christine Zayed, deux musiciens hors du commun, seront en résidence au Chantier de Correns pour créer une œuvre utilisant qanoun, orgue de barbarie, percussions et voix, tissant ainsi une partition intense et raffinée qui raconte en musique le patrimoine culturel palestinien. Christine Zayed nous en dit plus.
Quelques mots sur votre parcours ?
J’ai grandi en Palestine dans une famille de mélomanes. J’ai commencé par apprendre le chant, le Oud, et le violon classique au conservatoire. Très jeune, j’étais déjà fascinée par le qanoun, qui est maintenant mon instrument principal avec le chant, et j’ai commencé à en jouer avant mes dix ans. J’ai également étudié une dizaine d’années au conservatoire en Palestine, en mélangeant musiques classiques arabe et européenne, percussions, chant, qanoun etc. J’ai aussi fait la Fac de psycho en Palestine, puis j’ai décidé de venir étudier en France. J’ai postulé pour venir à Paris faire un master soit en composition, soit en musicothérapie. J’ai été acceptée dans les deux, mais j’ai finalement opté pour la composition. J’ai fini mon master en 2016 et, depuis je fais des projets en collaboration, tout en ayant mon projet solo depuis 2018.
Parlez nous du projet que vous travaillerz en résidence au Chantier de Correns avec Alexis Paul ?
Alexis Paul est un artiste passionné et vraiment unique. Il joue de l’orgue de barbarie, mais il l’utilise d’une manière peu conforme. Il ajoute des effets, change les sons et dernièrement, il a même installé des micros de tonalités sur des orgues qu’il a fabriqués lui même. Ce que nous allons créer à Correns fait suite à une collaboration débutée il y a quelques temps, dans laquelle je joue du qanoun et chante, pendant qu’il joue à sa façon de l’orgue de barbarie, avec des effets et quelques percussions. Il y a un peu plus de deux ans, Alexis est parti en Palestine pour étudier la broderie palestinienne. Il voulait baser ses patterns, ses cycles, ses formes de son sur cette matière. Il s’inspire beaucoup de textiles et d’autres styles d’arts pour ses sons. Nous avons donc eu l’idée de développer ce projet à base de textiles et de sons palestiniens.
Votre création commune fera-t-elle l’objet d’une musique accompagnant un film, des images ?
Nous avons eu l’idée d’inviter un scénographe, mais pour l’instant, nous n’avons pas trouver la bonne personne pour cette résidence-là. Nous avons déjà travaillé avec quelqu’un qui créait des visuels pendant le concert, mais nous voulons trouver quelqu’un qui travaille avec nous en permanence et développe une véritable installation visuelle autour de notre musique.
Y-a-t-il des parts d’improvisation dans votre musique ?
La musique d’Alexis est préparée, pré-arrangée sur les cartons perforés de son orgue de barbarie. Il sait exactement où mettre les effets, il étudie tout avant le concert, c’est extrêmement précis. Par contre, il me laisse des espaces pour improviser, au qanoun ou à la voix. Le reste est arrangé et, quand j’improvise c’est toujours codifié, sur la base des maqams (mode musical arabe), je sais où je vais aller en modulant d’un maqam à un autre, je suis libre dans mon espace, mais avec Alexis, la musique est toujours savamment structurée.
Est-ce d’autant plus important de promouvoir le raffinement de la culture palestinienne en ces temps troublés ?
J’ai fait beaucoup de tables rondes sur ce sujet, sur ce génocide. Et, j’ai toujours senti que ma musique n’était pas suffisante. Aujourd’hui il est crucial d’en parler par tous les moyens pour faire connaître la nature et la réalité de l’humain palestinien, mais aussi de toute personne opprimée, il faut pouvoir dire que ce sont des gens comme les autres et que nous sommes tous ensemble.
Weena Truscelli