Jean-Marc Bouré – Chefs-d’œuvre et acoustique sacrée au cœur de l’été.

Les 4e musicales de l’Abbaye du Thoronet du 22 juillet au 4 octobre

Avec une programmation exigeante et inspirée, les 4e Musicales de l’Abbaye du Thoronet s’annoncent comme un temps fort de l’été culturel varois. Jean-Marc Bouré, Administrateur de l’abbaye du Thoronet et directeur artistique du festival, revient sur les enjeux, les choix et la singularité de cet événement qui unit musique et patrimoine avec justesse.

Jean-Marc, quel bilan tirez-vous de l’édition 2024 ?
Très positif ! Nous avons accueilli 2 600 spectateurs, avec un taux de remplissage de 90 %, ce qui est excellent. L’abbaye attire naturellement, mais les Musicales bénéficient aussi d’une histoire : cela fait trente ans que des concerts y sont donnés. L’an dernier, nous avons eu de très beaux moments : les « Variations Goldberg » interprétées par Justin Taylor, un concert autour de Philip Glass avec Stephanos Thomopoulos qui a attiré un public plus jeune, ou encore l’ensemble Irini qui a magnifiquement ouvert le festival. Grâce à des partenaires fidèles comme l’Opéra Royal de Versailles, l’Académie musicale de Villecroze ou Les Voix Animées et le mécénat, nous parvenons à maintenir un haut niveau de qualité, malgré un budget restreint et sans subventions institutionnelles jusqu’à cette année. En 2025, la commune du Thoronet nous soutiendra pour la première fois, ce qui est un pas important.

L’acoustique de l’abbaye est souvent évoquée comme exceptionnelle. En quoi est-elle particulière ?
Elle est frappante, même pour ceux qui la découvrent lors des visites commentées. Il y a une réverbération naturelle et une spatialisation du son qui donnent une impression d’enveloppement. Dans l’abbatiale, l’acoustique est conçue pour accueillir du chant grégorien et reste bien adaptée aux ensembles vocaux. Le cloître, plus intime, offre quant à lui une acoustique remarquable pour la musique instrumentale. On y atteint un équilibre sonore quasi parfait.

Comment construisez-vous la programmation ?
Je pars des œuvres. Je me demande : « qu’est-ce qu’il faut entendre dans ce lieu ? » L’abbaye est un chef-d’œuvre architectural, il faut que la musique le soit aussi. Cette année, nous aurons deux « Stabat Mater », ceux de Pergolèse et de Vivaldi, dans l’église, portés par l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles. Autre sommet : « Le Voyage d’hiver » de Schubert, un cycle de lieder bouleversant, sur des poèmes de Guilhem Muller et interprété par le baryton Timothée Varon et la pianiste Anna Giorgi, le 5 août.
Et puis, une œuvre que je tenais à programmer ici : « Les Vingt Regards sur l’Enfant Jésus » d’Olivier Messiaen. Vingt pièces pour piano, une œuvre mystique et monumentale que jouera Roger Muraro, immense spécialiste de Messiaen. C’est une musique d’une intensité rare, en parfaite osmose avec la spiritualité du lieu.

Quelles sont les autres grandes dates à retenir ?
Le concert d’ouverture, le 22 juillet, sera assuré par l’ensemble Vox Cantoris, qui chantera une messe rare du XVIe siècle de Jehan Barra. En clôture, le 4 octobre, le chœur Dulci Jubilo dirigé par Christopher Gibert proposera une « Ode à la nuit et à la lumière », un programme qui dialogue subtilement avec l’architecture lumineuse changeante de l’abbaye, mêlant œuvres anciennes et contemporaines, notamment d’Arvo Pärt.
Les Voix Animées, ensemble toulonnais habitué du lieu, se produiront à deux reprises : le 9 août autour du thème de la vertu et de l’histoire de Suzanne et les vieillards, et le 23 août pour une Ode à Marie-Madeleine. Leur fidélité et leur exigence artistique font d’eux des piliers du festival depuis quatorze ans.
Et, grâce à l’Académie Musicale de Villecroze, le 6 septembre (et le 7 à Fréjus), nous accueillons des quatuors à cordes sélectionnés parmi les participants à une masterclass animée par Miguel Da Silva, l’un des plus grands altistes français. Ce partenariat s’inscrit dans notre volonté de travailler en lien avec notre territoire, et l’académie est un acteur très important de la musique dans le Var.

Y aura-t-il d’autres propositions culturelles au-delà des concerts ?
Oui. Du 6 juin au 13 septembre, nous accueillons une exposition d’art contemporain de Laurence Aëgerter, spécialement conçue pour le site. À l’automne, une exposition de photographies sur la lumière de Michel Eisenlohr, en partenariat avec le CAUE du Var. Et le 17 juillet, une soirée cinéma en plein air avec « Tous les matins du monde » d’Alain Corneau, en partenariat avec le festival de cinéma « Toiles du Sud » de Cotignac — un film où la musique baroque occupe une place centrale.

Fabrice Lo Piccolo