Cité des Arts : Le Show sur RadioActive – Octobre 2020
Pour cette 20ème édition, Cité des arts le Show a reçu Patrick Sirot, poète, professeur à l’ESADTPM et représentant des Eauditives, festival de poésie les 30 et 31 octobre à Toulon.
Ecoutez l’émission en podcast sur le site de Radio Active
Site internet de l’événement : Les Eauditives
Site internet de Patrick Sirot
Extrait : La Grande Sophie – Une vie , en concert à Le Liberté Scène Nationale le 15 octobre
Poésie de Patrick Sirot lue pendant mon émission : « Que j’me disais « publié par Plaine Page dans la collection Les oublis.
Que j’me disais
Mais qu’est-ce donc faudrait faire
Que je me disais en regardant la mer.
Qu’est-ce donc faudrait faire?
Qu’est-ce donc faudrait faire pour que ça change?
Pour que ça change un petit peu, qu’un tout petit peu.
Pour que ça bouge, que ça se déplace d’un tout petit peu,
pour que ça se déplace dans le bon sens.
Qu’est-ce donc faudrait faire pour que ça se déplace dans le bon sens?
Qu’un peu, qu’un tout p’tit peu
Que je me disais en regardant la mer.
Pas grand-chose, un peu, un tout p’tit peu,
quelques millimètres dans le bon sens,
juste dans le bon sens, que je me disais.
D’abord y faudrait qu’ils arrêtent de regarder de dessus, faudrait qu’ils arrêtent pour que ça bouge,
pour que ça se déplace un peu, un tout p’tit peu,
faudrait qu’ils arrêtent de regarder de dessus.
Faudrait qu’ils se déplacent,
faudrait qu’ils regardent de côté,
faudrait qu’ils regardent de côté , qu’ils regardent pareil, faudrait qu’ils regardent pareil à la même hauteur, la même ligne,
Faudrait qu’ils regardent la même ligne
à la même hauteur
que je me disais en regardant la mer.
Faudrait qu’ils fléchissent les jambes,
Faudrait qu’ils plient les genoux un peu un tout petit peu,
Faudrait qu’ils s’accroupissent, qu’ils s’accroupissent
Et qu’ils regardent de côté pour qu’ils voient
Que nos jambes sont pliées au niveau des genoux, Qu’elles sont bien pliées, bien, bien pliées.
Faudrait qu’ils voient
Comment que nos jambes sont grandes,
Comment qu’elles sont grandes repliées sur elles-mêmes, Nos grandes et longues, longues,
longues jambes repliées sur elles-mêmes.
Faudrait qu’ils se rendent compte
Qu’ils ne sont pas si grands pour que ça se déplace,
Pour que ça bouge un peu, un tout petit peu.
Que je me disais en regardant la mer
Faudrait qu’ils se rendent compte
Qu’ils ne sont pas au-dessus,
Tellement qu’ils se croyaient grands, ils étaient debout, Ils étaient debout et ils nous regardaient de dessus
Ils étaient debout et nous assis avec nos longues,
Longues jambes repliées sur elles-mêmes.
Faudrait qu’ils se rendent compte
Qu’ils ne sont pas si grands et qu’on n’est pas si p’tit.
Faudrait qu’ils se rendent compte que si on se lève,
Un jour ? un petit peu, qu’un tout p’tit peu que si on se lève, un jour si on se lève…
Que je me disais en regardant la mer.
Les coups de cœur de Patrick Sirot
Coup de Cœur Musique : James Brown – It’s a Man’s Man’s Man’s World
Coup de Cœur littérature : Nicolas Gogol – Les nouvelles de Pétersbourg, Le Nez et Le journal d’un fou.
Coup de Cœur Arts plastiques – Dessins de Roland Toport
Coup de Cœur cinématographique : « La nuit du chasseur » de Charles Laughton.
La Féline – Où est passée ton âme ? En concert pendant le festival Faveurs d’automne au Théâtre Denis à Hyères, le 30 octobre
Poésie de Patrick Sirot « Et après ? »
Après
Et après ?
Qu’est-ce qui se passe, après ?
Après que ça a bien, bien infusé,
après que ça a bien macéré,
Qu’est-ce qui se passe après ?
Après que la peur a bien été inoculée,
qu’elle a bien infiltrée nos neurones,
Après que les injections des injonctions
ont produit leur effet ?
Qu’est-ce qui se passe après
L’addiction de la distanciation,
Après le silence, les portes closes,
Après la mise en tanière sanitaire ?
Qu’est-ce qui se passe après
Que nos voix se soient étouffées,
Que l’air issu de nos orifices nasaux
Ou de nos bouches entrouvertes
Se soient cloîtrés dans des mouchoirs de papier
Accrochés à nos oreilles
Qu’est-ce qui se passe après ?
Que restera-t-il derrière nos visages,
Un autre masque ou un bâillon ?
Que restera-t-il après
Que les pavillons extensibles
se soient distendus ?
Des esgourdes décollées et pendantes
Comme des chiens.
Que restera-t-il après
Que nos postillons se soient évaporés
Après que les cellules de nos désirs
aient été cadenassées ?
Que restera-t-il ?
Des paroles asséchées,
La peur devant la grille !
Que restera-t-il de la mascarade ?
Après que la flagrance des apparences
Ait révélé l’incompétence ?
Que restera-t-il après ?
Des justifications, des excuses, des alibis,
Un peu de poudre sur le nez, une mouche sur la joue
Un peu de poudre aux yeux,
Une perruque farinée,
Ou une chemise découpée
Pour une nuque dégagée.
Qu’est-ce qui se passe après ?
Le trouillomètre à zéro, la frousse bleue, la phobie en habit
Les mains dans la pétoche et la panique élastique.
Qu’est-ce qui se passe après?
L’assurance des assureurs,
La surveillance des surveillants
La protection des protectionnistes
La sécurité des sécuritaires,
Qu’est-ce qui se passe après ?
Est ce que, oui ou non, nous avons ouï
L’herbe poussée ?
Est-ce-que, oui ou non, nous avons ouï
Le chant du merle noir ?
Est-ce que, oui ou non, nous avons ouï
La terre souffler
Est-ce que, nous avons vu
L’ océan s’assainir
Le ciel se purifier
Est ce que nous avons entendu
Les solitudes, les affamés,
Les malheureuses, les malheureux ?
Est-ce-que nous avons vu et entendu
Les médiocres, les précaires
les insignifiantes et insignifiants d’hier ?
Est-ce-que nous avons entendu,
chaque matin le camion poubelle
la caisse enregistreuse ?
Est-ce que nous avons vu
ces femmes et ces hommes
derrière les vitres de plastique ?
Alors qu’est-ce qui se passe après ?
Qu’est-ce qu’on dit ?
Qu’est-ce qu’on fait ?
On fait ou on nous dit de faire ?
On dit ce qu’on nous dit de dire ?
Qu’est ce qui se passe après ?
On attend pétrifié que l’heure de la peur passe?
Mais…
C’est qu’elle passera jamais la peur
On a bien labouré
Bien bêché
Bien biné
la peur va bien pousser
Bien, bien poussée
On l’a bien arrosée la peur
bien bien arrosée
Elle va bien pousser
Tellement bien pousser
Qu’on va espérer des tuteurs
Des tuteurs bien rigides
Qui nous dirigent à la baguette
Bien solides
Pour qu’on marche à la cravache
Bien, bien droit, pour qu’on marche
bien droit
On dit qu’un tuteur
ça aide la croissance des boutures,
Et un dictateur ?
Debout sur le Zinc chante Vian, en concert au Théâtre Jules Verne à Bandol le 31 octobre
Chanson poétique choisie par Patrick Sirot : Léo Ferré : Richard
Dessins de Patrick Sirot.