Corou de Berra – Aux racines de la polyphonie occitane

Hors-série Sacrée Musique 2022 #2  – Le jeudi 15 décembre 2022

“La montagne sépare les eaux et rassemble les hommes” : ce proverbe des Alpes du Sud illustre bien l’âme du Corou de Berra. Depuis des siècles, les échanges permanents entre Provence, Pays niçois, Piémont et Ligurie ont façonné des traditions de partage fortes, dont la polyphonie vocale.

Michel Bianco, vous avez créé le Corou de Berra et en êtes aujourd’hui le chef de chœur. D’où vient sa musique ?
Quand nous avons commencé il y a trente-cinq ans, le répertoire traditionnel occitan était en fin de course. Nous avons commencé par le dépoussiérer et l’actualiser. On nous a ensuite présenté divers manuscrits originaux, très anciens. Ces documents uniques ont été trouvés dans des villages du haut pays niçois et viennent pour la plupart des confréries de pénitents. Cela nous a conduit à travailler sur les notes carrées et non plus sur des partitions classiques, il a fallu apprendre ! Enfin, on a aussi recueilli de nombreux chants de la transmission orale arrivés jusqu’à nous dans les familles, par le bouche à oreille. Cet ensemble de sources donne au répertoire du Corou de Berra quelque chose de mélodiquement très beau et complètement hors normes dans les harmonies.

Qui sont les pénitents et qu’apportent leurs compositions à votre répertoire ?
Les pénitents, si vous voulez, c’est le Samu social de l’époque. À partir du 12ème siècle, ils aidaient les gens en difficulté : telle confrérie pour accompagner les personnes en deuil, telle autre pour telle maladie. Ils ont transmis pendant des générations une musique chantée de mémoire. Ce sont des choses anciennes… mais très nouvelles dans notre oreille !

Voire déstabilisantes ?
Musicalement parlant, certainement. Mais les gens apprécient cette musique authentique et ancrée dans le territoire, sans fermeture à l’autre mais qui au contraire se nourrit des influences extérieures. C’est l’histoire de notre terre où de tout temps, les hommes se sont croisés, ont échangé, se sont rencontrés. J’en suis moi-même le fruit, étant fils d’immigrés piémontais ! Pour ma part, je n’ai aucun bagage “institutionnel” en ce qui concerne le chant. Mais chez nous, dans la famille, on a toujours chanté. Cela fait partie de moi, c’est quelque chose que j’ai toujours entendu.

Quelle est l’importance de cet ancrage historique dans votre musique ?
Notre musique connaît ses racines. Si tu ne sais pas d’où tu viens, tu n’as pas beaucoup de chance d’aller bien loin. Les gens s’aperçoivent que sans passé, on n’a pas d’avenir. Ils ont aussi besoin de quelque chose qui ne soit pas bidon. On n’est pas de la lessive, consommée puis vite mise au rebut par une autre marque de lessive qui arrive sur le marché. Notre répertoire a une valeur spirituelle, ce n’est pas rien. On nous demande parfois pourquoi on ne passe pas à la radio ou à la télé (rires). En réalité, on est une alternative au mainstream, à la culture de masse. On ne parle pas de consommation mais de la terre et de l’homme, des choses qui comptent en somme.

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