Cut Killer – Un Hip Hop revendicatif et social.
>>Hip Hop Convict, le 12 décembre au Telegraphe à Toulon
Mouloud Mansouri investit le Telegraphe avec ses soirées Hip Hop Convict, au profit de ses initiatives de réinsertion des détenus par le Hip Hop. Le 12 décembre, il invite Cut Killer, que l’on ne présente plus, et DJ Djel de la Fonky Family. Au programme : un voyage musical autour du hip-hop, mêlant nostalgie des années 90 et innovation. Rencontre avec Cut Killer, figure incontournable du mouvement depuisplus de trois décennies.
Qu’est-ce qui caractérise les actions de Hip Hop Convict ?
C’est un engagement de longue date. Avec Mouloud, le fondateur, nous défendons l’idée que le hip-hop peut être un levier d’insertion, et notamment pour les détenus. J’ai rencontré Mouloud il y a une vingtaine d’années et j’ai vu l’impact positif de son travail : il a aidé de nombreux jeunes à se réinsérer. Hip Hop Convict revient aux racines revendicatives du mouvement, ce- lui qu’on a connu dans les années 80 et 90. C’est un esprit que nous voulons perpétuer.
Tu as déjà joué au Telegraphe, que penses-tu de cet endroit ?
Le Telegraphe est un lieu unique. Dès ma première venue, j’en suis tombé amoureux. Ils défendent la musique avec exigence, sans compromis. On sait qu’on y entendra des sons de qualité. Ce n’est pas un endroit qui essaie de plaire à tout le monde, et c’est ce qui le rend si spécial. Nous avons affaire à un public de connaisseurs, et on peut y aller à fond !
À quoi peut-on s’attendre pendant ton mix le 12 décembre ?
A ton avis ? Ça va être la guerre (rires) ! Plus sérieusement, quand je mixe, je veux raconter une histoire. Chaque set
est différent. J’essaie toujours d’innover, même pour un public qui connaît déjà bien le hip-hop, je veux lui faire découvrir de nouveaux morceaux. Avec DJ Djel, nous allons proposer un voyage à travers l’histoire du genre, et revisiter des classiques de manière inédite. Lui est marseillais, moi parisien. On va refaire un classico !! Pour moi, un DJ doit surprendre : c’était déjà comme ça en 1992, quand je faisais découvrir les nouveautés en vinyle. Aujourd’hui, la technologie me permet d’aller encore plus loin, on peut séparer toutes les pistes, créer des a cappella qui n’existent pas. J’ai été l’un des premiers à utiliser des logiciels, dès 2002. J’ai plus de cinquante mille sons en digital, mais je reste aussi fidèle à mes racines. Pendant le confinement, je faisais des lives en ligne devant mon mur de vinyles : j’ai encore plus de vinyles que de sons digitaux.
Tu te considères plutôt comme DJ ou producteur ?
On me connaît plus en tant que DJ, mais dès mes débuts, je composais et produi- sais. Avec mon crew, on était pionniers dans l’utilisation de samplers. Mon identité est celle d’un DJ, mais la production a toujours été une partie essentielle de ma carrière.
Tu as sorti une autobiographie, « Mixtape 2.0 » pour tes trente ans de carrière, qu’est-ce qui t’a le plus marqué ?
Ce qui a fait mon identité. J’ai commencé, gamin, dans un crew, IZBN, avant de croiser des figures comme Dee Nasty ou DJ Cash Money, qui était champion du monde à l’époque. Ces rencontres m’ont donné envie de me dépasser. J’ai commencé à jouer avec East, disparu trop tôt, et qui est toujours avec moi quand je me produis. Ensuite, il y a eu des émissions de radio mythiques, j’ai produit des artistes comme 113 ou FABE, j’ai créé des bandes originales de films, et mixé dans des soirées incroyables avec des stars comme Puff Daddy ou Pitbull. C’est très rare pour un DJ européen. J’ai aussi eu la chance de rencontrer des légendes comme Notorious B.I.G. – malheureusement pas 2Pac. Tout ça fait partie de ma vie.
Comment vois-tu le Hip Hop français aujourd’hui ?
Son évolution est marquante. Il est passé plus de trois décennies de l’underground au premier rang des ventes. Chaque décennie a apporté ses spécificités. Aujourd’hui, le rap est moins revendicatif, mais il reflète les préoccupations de sa génération, ce qui est tout aussi important. C’est devenu un patrimoine culturel à part entière. J’ai toujours su que le hip hop allait suivre cette évolution : en 89 à New York, on entendait déjà du hip hop partout, forcément ça allait être le cas tôt ou tard en France.
Après ton autobiographie, tu prépares un nouvel ouvrage. Peux-tu nous en dire plus ?
Oui, il sortira en février chez Les Belles Lettres. J’y analyse l’impact du hip-hop sur la société ces quarante dernières années. C’est une enquête qui montre comment cette culture a changé nos vies.
Fabrice Lo Piccolo