DAFNÉ KRITHARAS – L’universalité des émotions.

Théâtre du Rocher –
La Garde, le 18 novembre à 20h30

Entre deux avions, Dafné Kritharas nous véhicule l’universalité des émotions intemporelles de sa musique. Des bagages grecs, porte-voix au-delà des mers.

Vous avez sorti un album intitulé Varka en octobre 2021. Que signifie ce mot ?
Ça veut dire la barque, en grecque. Celle qui relie les peuples entre eux, le monde des vivants à celui des morts. Celle qui nous attire vers les profondeurs de la mer, qui nous terrifient et nous attirent tout autant. C’est aussi celle sur laquelle embarquent de nombreux réfugiés pour tenter de survivre en allant d’un pays vers l’autre. Les chansons de ce deuxième album sont très anciennes et parlent de devoir quitter son pays pour chercher une autre terre et une vie meilleure. La chanson « Amygdalaki » dit d’ailleurs : “Mon amour mon oiseau, deviens la mer et moi je me transformerai en rivage pour qu’avec les vagues tu arrives jusque dans mes bras. Tu es de l’autre côté de l’horizon, je ne sais pas si je te reverrai un jour, alors j’ai pris une amande que j’ai brisée et dans sa coque j’ai gravé ton visage pour ne pas l’oublier.”

Tout votre travail tourne autour de l’Histoire de la Méditerranée ?
Je m’intéresse aux chansons qui ont cohabité ensemble pendant l’Empire Ottoman. Tous ces pays ont été brassés : l’Arménie, la Grèce, la Turquie, les communautés séfarades, judéo-espagnoles, dans les Balkans. Parfois, ils ont une chanson commune dans des langues différentes avec une même mélodie. J’aime l’idée de ces croisements, je trouve ça très beau de partager ces chants qui ont parfois cent ans. Au-delà de l’aspect historique, les chansons grecques m’intéressaient de par mes origines, je les entendais plusieurs fois par an en y allant. Il y a énormément de variations, d’ornements, les rythmes sont très particuliers, on ne les a pas en Occident. Ça m’a toujours très inspirée !

Vos textes parlent de la puissance des femmes, de l’exil, de l’amour. Comment se déroule la phase d’écriture pour vous ?
Dans cet album, il y a peu de compositions, on a transformé les arrangements de musiques traditionnelles. On l’a enregistré il y a déjà presque deux ans, donc je pense déjà au troisième album. J’ai depuis écrit une chanson qui s’appelle « Le Colombier ». Pour la phase d’écriture de cette chanson, j’ai d’abord composé la mélodie en pensant à une histoire vraie que ma mère m’avait racontée quand on habitait en Crète : une femme qui avait violemement été chassée de son village et tabassée pour adultère.

Ma mère en a écrit une nouvelle assez longue où cette femme s’était réfugiée dans un colombier. J’ai décidé de transformer tout ça en conte. La femme s’approprie la montagne et devient une redoutable sorcière qui égorge les hommes qui s’approchent d’elle. En général, j’aime bien traduire les histoires en les intégrant au spectacle.

Est-ce que les publics réagissent différemment selon la nationalité ?
En Grèce, le public est beaucoup plus jeune, ils ont la vingtaine. Ce genre de musique est très intégré là-bas, alors ils comprennent tous les codes. Les gens n’ont pas l’impression d’écouter des “musiques du monde”, mais de la musique tout court. En France, il y a de très belles réactions aussi, on me dit souvent que ça fait voyager. Quand j’ai commencé à chanter dans d’autres langues, j’ai eu peur qu’on prenne ça pour de l’appropriation culturelle. J’ai une vidéo qui a beaucoup de succès sur internet avec un million de vues et je vois que ça touche beaucoup mon public turc et bosniaque, alors pour moi c’est un honneur. C’est le plus beau cadeau que je pouvais avoir !

Maureen Gontier

Regarder le clip de Dafné Kritharas:

https://citedesarts.net/tv/videos/dafne-kritharas-theatre-le-rocher-18-novembre-a-20h30/