ËDA DIAZ – Une tradition revisitée

>>Le 28 juin au Telegraphe à Toulon

Dans le cadre du Metek Festival, la chanteuse et contrebassiste franco-colombienne Ëda Diaz se produit au Telegraphe. L’occasion d’écouter en live « Suave Bruta », son tout premier album qui marie avec audace patrimoine musical sud-américain et expérimentations électroniques.

Quel a été le processus de composition de votre album ? À quoi fait référence le titre « Suave Bruta » ?
Littéralement, on pourrait traduire ce titre par « Douce Brute ». C’est une référence à un morceau du chanteur de salsa colombien Joe Arroyo. Le titre de ce morceau faisait écho à mes tiraillements culturels entre la France et la Colombie, mais aussi au fait de prendre soin de choses qui, en apparence, paraissaient des contradictions et qui, finalement, quand on les accepte, cohabitent très bien au sein d’une même personne. Le processus de composition, lui, a été long. Ce premier album regroupe des morceaux qui vont de 2013, quand j’étais encore étudiante, à 2020. Tout cela a fini de prendre forme avec la rencontre d’Anthony Winzenrieth, avec qui j’ai eu un véritable dialogue musical autour des arrangements et du choix des sonorités.

Votre album se caractérise par un mélange de sons organiques et de sons électro. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Ce que j’appelle le son organique, c’est tout ce qui est lié à l’acoustique, tout instrument qui a une vie propre sans électricité. À cela s’ajoute la partie plus expérimentale, c’est-à-dire, dans mon cas, le fait de choisir des rythmiques propres à l’électro ou à la musique urbaine et de les mélanger à ces sons organiques. L’idée était de créer ce dialogue et de faire cohabiter ces sons. On trouve aussi beaucoup de samples, des emprunts à des sons de la réalité, comme des oiseaux, une chanteuse dans le métro et même ma voix ou une ligne de contrebasse que je réutilise. À partir de ces sons organiques enregistrés puis modifiés, de la matière électro est recréée. Cette interaction entre le réel et le numérique est un terrain de jeu infini.

Vous êtes française par votre mère et colombienne par votre père. Comment cette double culture vous a-t-elle influencée ?
La musique a été une façon de me recréer un pont entre la France et la Colombie, et même, plus largement, entre les deux continents. Ç’a été une forme de reconnexion à la culture qui était loin de celle du pays dans lequel j’ai grandi, la France en l’occurrence. Il y a l’héritage culturel familial colombien sur place, celui de ma grand-mère, de mes tantes, mais il y a aussi la propre vision que j’ai pu me faire du pays en y voyageant. Découvrir en Colombie tout ce qui était hors de ma catégorie sociale m’a enrichie. J’ai réalisé à quel point ce pays était complexe, multiculturel. On peut être colombien et afro-colombien, amérindien ou encore descendant de juifs séfarades. J’ai compris que le mélange et le métissage existaient depuis bien longtemps dans cette société.

Vous êtes nourrie de poésie. Quel rôle a-t-elle joué dans votre rapport à la chanson ?
En France, on a une attente très forte autour des paroles, car, notre chanson, culturellement, est basée sur la qualité du texte. Cette attente me bloquait. Ma première composition, que je continue d’ailleurs de chanter, a été faite sur un texte qui n’était pas le mien. C’était un texte du poète mexicain Octavio Paz. C’est à partir de là que j’ai commencé à explorer la musicalité dans la poésie et la complémentarité du texte avec la musique. Alors j’ai eu envie de me reconnecter à mes premières expériences de l’écriture, qui étaient en espagnol. La poésie m’a débloquée pour écrire des chansons. Elle a été le premier détonateur.
Dominique Ivaldi