Feu! Chatterton – Voyage dans notre temps.

Musique

Théâtre de L’Esplanade – Draguignan 

Le 2 mars

« Palais d’argile », troisième opus de Feu! Chatterton, produit par Arnaud Rebotini, est incontestablement un des albums rocks de l’année 2021. Véritable fresque épique en parfaite résonnance avec le monde dans lequel on vit, il nous propose un long voyage, parfois lyrique, parfois tumultueux, parfois apaisé, bercé par le chant d’Arthur qui survole des plages musicales d’une intensité peu commune. Nous avons rencontré Sébastien Wolf, un des guitaristes et compositeurs du groupe

Au milieu de cette période turbulente, il était important pour vous de sortir un album, proche du concept album, témoin de son époque ?

Ça n’a pas été théorisé à l’avance. Naturellement cela répond à l’urgence de la période. Tout le monde est au fait de l’urgence climatique, des problèmes de démocratie, d’une société qui semble aller dans le mur, de notre rapport aux écrans, l’essentiel de la population passant tout son temps devant un petit appareil qui dirige nos vies. Je me suis retrouvé avec Arthur, le chanteur, dans les Cévennes, chez ma belle-famille à l’été 2019, en pleine canicule. On est des citadins, et là, on était isolé dans un endroit naturel. On se demandait pourquoi on vit comme ça, pourquoi on passe nos journées devant nos téléphones, alors que les choses sont simples que tout est déjà là. Ça nous est apparu comme une forme d’évidence que l’on se trompe, et intentionnellement. Les gens sont conscients que nos modes de vie ne sont pas bons ni pour la planète, ni pour eux ni pour les autres. Mais ils n’ont pas le temps de réfléchir. Nous, en tant que musiciens, on peut s’octroyer des moments de contemplation. Le premier morceau de l’album, « Monde nouveau » est né comme ça. Ma femme et mon fils venaient de partir. C’est une question simple : « Un monde nouveau, on en rêvait tous, mais que savions nous faire de nos mains ? ». Puis « Cristaux liquides » : « moi je caresse ton visage sur mon écran tactile… ». Ça résume la vie de beaucoup de gens, dont la nôtre. « Ecran total » est un titre ancré dans la période des gilets jaunes… Nous voyions ces critiques naître. Nous ne sommes pas théoriciens, nous ne défendons aucun parti. Nous ne sommes pas non plus dans la critique, plutôt dans une sorte de proposition de retour aux choses simples, à l’acceptation de l’autre. Le disque d’ailleurs finit avec « Laissons filer », chose que l’on ne fait pas beaucoup en général. On est optimiste, on voit les jeunes entre quinze et vingt-cinq ans qui sont engagés dans beaucoup de luttes. Les gens savent qu’il y a une solution et qu’elle va apparaître.

Comment s’est passée la collaboration avec Arnaud Rebotini ?

Le disque a été écrit pour des concerts. Il devait être joué sur scène avant de partir en studio. Dès l’écriture on voulait qu’il y ait un aspect dansant, de transe, avec des passages instru- mentaux longs. On veut que ça saute partout ! Pour « Ecran total », j’ai branché direct une boite à rythme avec un beat qui fait danser. J’aime quand tout d’un coup les gens se perdent et se lâchent. Et il y avait ce côté synthétique. C’était une évidence qu’il fallait travailler avec un producteur qui maîtrisait les boîtes à rythme et les synthés. Arnaud vient de l’électro, mais fait aussi du rock avec son groupe « Black Strobe », et chante. On s’est croisé sur des promos et ça a tout de suite matché. C’est une rencontre très forte au-delà du disque. Il nous a appris beaucoup de choses sur l’orchestration de la musique électronique, qui demande une écoute particulière. Les Daft Punk par exemple sont capables d’entendre tous ces timbres, toutes ces textures. Et Arnaud maîtrise ça aussi, et nous l’a appris.

Comment se passe votre processus de composition ?

Au départ c’est soit Arthur et moi, soit Arthur et Clément. On se retrouve et on écrit des titres à deux, avec une forme d’improvisation. Je trouve une grille d’accords ou un thème mélodique. Arthur, lui a quelques punchlines. Il chante, il improvise sur notre musique. C’est un processus qui prend une demi-heure, une heure maximum. L’ensemble du morceau est composé : on a un couplet, un refrain, les accords l’harmonie. Mais ça peut ne jamais arriver. Tu peux passer une semaine sans réussir à faire cela. Il faut que ça matche, qu’on se dise : « Ha ça c’est chanmé » ! Il faut que ça puisse toucher les gens, et notamment les autres membres du groupe. On arrange un peu et on leur fait écouter nos compos. On a entièrement confiance en leur goût. Il faut qu’ils soient touchés profondément. C’est un moment un peu critique, s’ils ont un doute c’est pour de bonnes raisons. Il y a énormément de débats qui peuvent être douloureux et compliqués. Puis on crée la vraie forme du morceau et on l’enregistre comme cela.

Comment va se dérouler le concert à Draguignan, notamment avec la contrainte d’être assis ?

Dès la première chanson les gens vont se lever ! La scénographie sera bien sûr en lien avec le thème de l’album. C’est un long voyage de deux heures à deux heures et demie, un beau moment de transe et de lyrisme.

Fabrice Lo Piccolo

Février 2022