Franck Mei – Andy Warhol : l’icône pop revisitée.
Exposition « Andy Warhol » jusqu’au 8 juin au musée La Banque à Hyères
Le musée La Banque à Hyères présente une exposition inédite sur Andy Warhol. Une occasion unique de découvrir des œuvres rares de l’artiste et de revisiter son parcours, de son enfance modeste à son ascension fulgurante dans le monde de l’art. Rencontre avec le directeur du musée et commissaire d’exposition.
Andy Warhol est souvent perçu comme un artiste total. Qui était-il vraiment ?
C’est l’une des figures les plus emblématiques de l’art contemporain, mais son image est souvent réduite à des clichés : drogues, fêtes et excentricité, alors qu’en réalité il était plutôt sobre. Il vient d’un milieu modeste. Son père était mineur, sa mère femme au foyer et artiste à ses heures perdues. Une maladie l’a cloué au lit pendant une grande partie de son enfance, et c’est sa mère qui lui donnait des magazines et des images religieuses, influençant son imaginaire. Formé aux beaux-arts en arts appliqués, il commence par une carrière dans le design et la publicité. Un ami l’encourage à quitter Pittsburgh pour New York, où il rencontre rapidement le succès en travaillant pour des magazines prestigieux comme Vogue. Et c’est une fois devenu riche, qu’il décide de se consacrer à l’art.
Quels aspects de son travail explorez-vous ?
C’est la première fois en France que l’on présente des œuvres du musée Andy Warhol de Slovaquie, fondé par son frère John Warhola. Contrairement au musée de Pittsburgh, ce dernier présente une collection plus intime. Nous avons aussi trois œuvres majeures prêtées par la Fondation Carmignac à Porquerolles dont le portrait de Mao Tse-Tung et « Two White Mona Lisa ». L’exposition couvre toute son œuvre : des portraits emblématiques (Marilyn Monroe, les « Ladies and Gentlemen » mettant en avant la communauté drag new-yorkaise afro-américaine marginalisée à l’époque) aux natures mortes, comme ses séries de chaises électriques. On y trouve également ses autoportraits réalisés après la tentative d’assassinat dont il a été victime. Nous présentons aussi les « Flowers », les « Camouflages », ou encore une série de dessins de sa mère « Holy Cats ». Une section est consacrée à son travail cinématographique, notamment ses « Screen Tests », et son film expérimental « Empire ». Enfin, nous avons recréé une évocation de la Silver Factory, son atelier-laboratoire, en recouvrant les murs d’aluminium, où nous présentons la série des « Campbell’s soups ». C’était un lieu d’effervescence créative où se côtoyaient poètes de la Beat Generation, artistes underground et figures mythiques comme Salvador Dalí ou Marcel Duchamp. C’est aussi là qu’il a produit le Velvet Underground, dont la mythique pochette de banane est devenue une icône. Nous pouvons citer deux de ses amis présents à la Factory, Billy Name, ami photographe, dont nous présentons les photos dans la salle des coffres et Edie Sedgwick, sa muse et égérie.
Quel est l’héritage artistique d’Andy Warhol ?
Warhol a révolutionné l’art en intégrant les objets de consommation courante à son travail. Il s’intéresse à la beauté des produits manufacturés. Il met en avant la culture populaire tout en questionnant son influence. Sa série sur Marilyn Monroe, par exemple, n’est pas un simple hommage glamour : on peut les considérer comme des masques mortuaires, une critique du star-system qui transforme les célébrités en produits de consommation. Warhol était aussi un homme de foi qui allait à la messe régulièrement. Beaucoup de ses œuvres, comme ses « Self-Portraits » ou ses « Crosses », révèlent une profonde spiritualité. Il joue avec la dialectique entre icônes et idoles : ses portraits de stars sont des figures quasi-religieuses de la société moderne. Dès les années 1960, il prédit que « chacun aura son quart d’heure de célébrité ». Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, cette prophétie est plus vraie que jamais. Il a compris que l’image allait devenir une monnaie d’échange.
Fabrice Lo Piccolo