FRANÇOIS CERVANTES – Pour l’amour du clown

>> « Les Clowns » du 19 au 21 décembre à Châteauvallon à Ollioules dans le cadre de Clowns Not Dead.

Avec sa compagnie L’Entreprise, François Cervantes a mis en scène de nombreux spectacles de clowns au théâtre, dont plusieurs avec Catherine Germain et son clown Arletti. Dans « Les Clowns », il réunit trois clowns mythiques, Arletti, Zig et le Boudu qui s’attaquent à une pièce de Shakespeare. Patrice
Laisney, directeur du PÔLE, nous propose ce spectacle dans le cadre du festival annuel Clowns Not Dead qui aura lieu du 5 au 21 décembre.

Pourquoi le clown, et en particulier ici, pourquoi « Les Clowns » ?

Tout a commencé avec le deuxième spectacle de la compagnie, où je mettais en scène des anges cherchant à s’incarner. Intuitivement, j’ai décidé de m’orienter vers le clown pour incarner ces anges. Le clown représente pour moi cet être intérieur qui peine à accéder à la vie. J’ai rencontré de nombreux acteurs avec qui j’ai effectué ce travail de recherche, dont Bonaventure Gacon. Pour « Les clowns », j’ai voulu réunir trois complices très proches, au départ simplement pour une soirée de rencontres et d’improvisation, mais j’ai écrit pour préparer cette soirée. Le plaisir qu’ils ont éprouvé à jouer ensemble a alimenté le désir de continuer ce spectacle. Les clowns sont des personnages en marge des histoires. Initialement liés au cirque, ils ont évolué vers le cabaret, puis sont arrivés dans les théâtres. Le clown permet aux gens de se reconnaître, de s’identifier à cet être intérieur cherchant à rejoindre les autres, le public, les histoires. On s’habille d’une carapace sociale pour trouver sa place dans la société, mais on se reconnaît dans la maladresse fondamentale du clown, que l’on peut retrouver chez les enfants ou les personnes âgées. On reconnait qu’il y a en nous cet être inadapté qui porte des désirs plus grands que ce dont il est capable. Aller vers le clown demande à un acteur ou à un artiste de cirque d’explorer une poésie intérieure, personnelle, qui ne provient pas initialement du texte, mais
de la manière de bouger, de l’énergie, de ses désirs. Une fois que cet être est là, on écrit pour lui.

Vous dirigez trois clowns très connus dans ce spectacle. Pouvez-vous nous parler de leurs particularités et de leurs points communs ?

Catherine Germain, qui joue Arletti, a participé à six spectacles de clowns. Elle a pris une grande importance au fil des années. Bonaventure Gacon est un clown d’une puissance extraordinaire, qui vient du cirque. À l’époque de la création de ce spectacle, c’était la première fois qu’il travaillait pour le théâtre. Ces clowns ont
trois univers très différents. Le spectacle est donc composé en trois parties, qui correspond à chaque univers. La première est la grotte de Bonaventure, où il est retiré et observe le monde. Puis on rentre dans l’univers des rêves, celui de Dominique Chevallier. Et ils sont entraînés au théâtre par Catherine Germain où ils découvrent un manuscrit : « Le Roi Lear » de Shakespeare, qu’ils vont interpréter.

Justement, Shakespeare se prête-t-il bien au travail du clown ?

Shakespeare se prête aux adaptations. Il porte un amour du théâtre tellement immense. Il déploie magistralement les capacités théâtrales en explorant les choses souterraines, invisibles, l’aspiration au ciel,
les conflits extrêmes entre êtres humains, politiques ou intimes. Ce sont des partitions extraordinaires, propres à révéler la nature de l’artiste qui s’y attaque.

C’est un spectacle qui rencontre le succès depuis 2006, quels sont les retours du public concernant « Les Clowns » ?

D’abord, une énorme jubilation et une puissance sur scène sont ressenties. Le public apprécie la confrontation entre un grand texte de théâtre et la manière dont les clowns s’en emparent. C’est extrêmement lumineux, c’est un moment de fête créant une rencontre jubilatoire avec ces êtres extraordinaires.

Comment le clown contemporain a-t-il  évolué par rapport au clown classique ?

Il a existé des très grands clowns de cirqueclassique. Puis certains, tels Grock, ont migré vers les cabarets. Aujourd’hui, ils ont évolué vers les théâtres, abandonnant les animaux et la paille pour se confronter au texte, aux costumes et aux loges. En occident ils sont nés dans les cirques, mais on trouve des traces plus anciennes
de clowns dans des théâtres orientaux, souvent en tant que personnage expliquant les dessous de l’histoire. Cette figure se retrouve dans de nombreuses œuvres, comme chez Giraudoux par exemple.

Fabrice Lo Piccolo

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