Hors-série FiMé 2024 – Frank Micheletti – Maya Deren, figure majeure du cinéma d’avant-garde au XXe siècle

>> Mercredi 6 novembre à 20h30 au Télégraphe à Toulon

À peine terminé le festival Constellations, nous retrouvons Frank, alias Yaguara, dans nos colonnes, pour, cette fois-ci, nous faire partager sa passion de la musique et du cinéma, avec la mise en avant d’une cinéaste qu’il affectionne, figure importante du surréalisme du début du XXe siècle, et trop peu exposée, Maya Deren. On le retrouvera avec JeanLoup Faurat au Telegraphe.

MUSICIENS :

Yaguara : Platines vinyles / synthétiseur / looper & clavier. Jean-Loup Faurat : Guitare / pédales d’effets / synthétiseurs.

SOUVENIR DE CONCERT :

Le Warm up du festival Constellations sur le toit terrasse de la friche Belle de Mai ; sunset éblouissant, vue imprenable sur la cité phocéenne et ambiance de folie. J’ai mixé après le Live set de Faizal Mostrixx : producteur ougandais de musique avant-gardiste afro-futuriste et pilier de la scène électronique explosive de Kampala. En prenant la suite de cette énergie explosive, épaulé par deux guests géniaux nous avons monté la température du dancefloor qui est devenu hautement inflammable. Lou Faedda, musicienne et improvisatrice hypra-talentueuse à la flûte traversière a enrichi le mix de ses harmoniques et le chanteur charismatique de Kinshasa, Lova Lova, a mis le feu aux poudres avec ses toasts puissants. Un set qui n’avait ni la langue ni les watts dans sa poche. Endiablé, libre et chaloupé, un voyage sonore aux confins des genres.

Frank, tu es danseur, chorégraphe, DJ… Quel est ton regard sur cette discipline du ciné-concert ?
Grand amateur de ciné-concerts, j’ai assisté à de nombreux moments marquants auFiMé. Ce qui m’attire, c’est la subtilité de l’échange entre l’image et le son. Le musicien ne se met pas en avant, il se place au service du film, dans l’ombre des images, pour trouver une résonance. C’est une forme d’humilité, une attention particulière à la dramaturgie filmique. Je suis très heureux de cette première collaboration avec le FiMé.

Qu’est-ce qui t’a amené à proposer à Luc Benito de programmer les films de Maya Deren ?
Cela fait des années que je rêve de faire un ciné-concert autour des courts-métrages de Maya Deren. J’en ai parlé à Luc Benito qui a tout de suite été séduit par l’idée. Ce qui a déclenché ce projet, c’est une scène incroyable dans son premier film « Meshes of the Afternoon » (1943) qui s’attarde sur un phonographe. Cela résonnait avec ma pratique musicale sur disques vinyles. Maya Deren, née en 1917, d’origine ukrainienne, ayant vécu à New-York fut une figure avant-gardiste, poètesse, danseuse, anthropologue, théoricienne… Une femme libre et radicale, qui a influencé des générations d’artistes. David Lynch la cite comme l’une de ses principales inspirations. Elle a défendu le cinéma comme expérience, on retrouve d’ailleurs Marcel Duchamp dans l’un de ses films.

Vois-tu un lien entre ta pratique de danseur, chorégraphe et DJ, et le travail de Maya Deren ?
Pour Maya Deren, le cinéma était un moyen de « faire danser le monde », et je me retrouve totalement dans cette idée que ce soit à travers la danse, la chorégraphie ou le DJing, je cherche aussi à faire danser le monde, ou à danser avec lui. Maya Deren avait un intérêt fort pour les pratiques qui altèrent la conscience : la transe, l’hypnose, le chamanisme… Elle a réalisé plusieurs films en Haïti sur les rituels vaudous (« Divine Horsemen ») ; elle s’intéressait au monde des rêves et des hallucinations, à la dimension onirique de nos existences. Elle nous incitait à explorer d’autres types de perceptions, à s’aventurer dans les mondes invisibles et c’est exactement à ma petite échelle, le sens que je prête à mes propres créations.

Quel instrumentarium vas-tu utiliser avec ton complice, Jean-Loup Faurat, pour cette performance ?
J’utiliserai des platines vinyles, dans un cadre expérimental, en mode turntablisme, comme un instrument à part entière à triturer ; Jean-Loup sera entre autres à la guitare. Ensemble, nous mobiliserons synthétiseurs, séquenceurs, pédales d’effets et autres machines pour enrichir cette palette sonore. Nous avons déjà travaillé ensemble sur plusieurs créations, et j’apprécie cette conversation musicale. Il a une grande conscience des textures et des matières sonores, il s’accorde la liberté de dépasser les notions de genres musicaux.

Comment vas-tu préparer ce ciné-concert ?
Nous ferons plusieurs sessions de travail pour trouver la tonalité spécifique à chacun des court-métrages, sans tomber dans quelque chose de trop homogène. Chaque film aura son propre univers sonore. Nous jouerons sur les répétitions, les jeux d’espace/temps et de textures sonores. Maya Deren voyait le cinéma comme une forme métaphysique, poétique et chorégraphique. Elle a eu l’intuition géniale de mettre au centre le corps humain et le mouvement en symbiose avec le mouvement du cosmos. Un cinéma des corps à l’intérieur d’un monde instable en constante transformation. Cette vision n’a pas pris une ride et son regard porte encore aujourd’hui une acuité tellement vitale. C’est dans cet esprit que nous allons approcher cette performance.

 

LES FILMS

DE MAYA DEREN

1943 – Meshes of the Afternoon – Noir & Blanc – 14 min.
1944 – At Land – Noir & Blanc – 15 min.
1946 – Ritual in Transfigured Time – Noir & Blanc – 14 min.
1948 – Meditation on Violence – Noir & Blanc – 12 min.
Durée du programme : 65 min.

 

Personnalité majeure du cinéma expérimental américain des années 1940, Maya Deren réalise de nombreux courts métrages d’inspiration surréaliste et psychanalytique, inspirés par Cocteau. Elle-même décrit ses films comme expérimentaux, chorégraphiques, poétiques, métaphysiques. Longtemps oublié, son travail refait surface dans les années 1970 grâce à l’analyse de cinéphiles qui l’érigent en icône féministe du cinéma. En effet, dès ses débuts, Maya, obsédée par le mysticisme, met en scène des femmes aux pouvoirs parfois occultes, qui repoussent les hommes, et prennent leurs propres décisions, librement. Sa vision à contre-courant inspire des générations de cinéastes après elle. L’un des plus connus : David Lynch, qui reprendra certaines approches et mouvements de caméra dans « Twin Peaks ».

Fabrice Lo Piccolo

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