Henri Yeru – Tout sauf un raccourci de la réalité.

ARTS PLASTIQUES
Portes ouvertes tous les jours à partir du 24 septembre 15h.

Après Beaubourg en 1977, la Biennale de Venise en 1980 ou encore le Musée d’art de Toulon en 2011, ce peintre gestuel toulonnais nous fait l’honneur de présenter ses dernières oeuvres à la Davelia Galerie.

Avec une carrière internationale, comment décider de quitter Paris pour Toulon ?
J’ai toujours été appelé par le sud. Le grand-père de ma femme avait participé au Sabordage du port de Toulon en tant que sous-marinier, cette histoire m’avait marquée. Je suis d’origine espagnole et à l’époque, je pars faire mon service militaire à Fréjus, alors je crapahute dans ses terres rouges, on se balade les jours de permission et je suis le plus heureux des hommes. Plus tard, nous venions en vacances dans le studio des parents de ma femme à la Coudoulière. Alors un jour, après un ras-le-bol de Paris et le besoin de prendre des risques, je descends à Toulon. J’y ai eu deux ateliers formidables, mais maintenant je travaille chez moi. Louis Imbert, un ami peintre m’a invité à son vernissage à la Davelia Galerie et j’ai rencontré David MacMillan. C’est quelqu’un de franc et direct avec qui on parle de politique, d’art. J’aime son humour et j’aime aussi l’idée qu’il s’acharne : ça fait cinq ans qu’il est là.

Pourquoi avez-vous choisi d’exposer vos œuvres en trois temps ?
Cela représente mon chemin pictural. J’avais trop de choses à montrer dans cet espace et beaucoup de travaux récents jamais encore exposés. Le premier chapitre « Du geste à la forme » expose ce rapport que j’entretiens avec la couleur et toute sa densité à Toulon. La deuxième partie « Matière, Mémoire, Mouvement » présente mon travail sur le corps en noir et blanc. J’ai commencé à travailler sur cette silhouette de femme en mouvement, car je suis sensible à tout ce qu’elles représentent dans notre société. Et enfin, « Mot pour Mot, Trait pour Trait » qui concerne mon lien avec la poésie. Ça a toujours été un moteur pour moi, le texte étoffe mon travail.

Dans votre journal, vous rappelez que l’art abstrait n’est pas un raccourci de la réalité et que la peinture a donné naissance à l’écriture, la géométrie et l’architecture. Que voulez-vous communiquer aujourd’hui avec un « art abstrait évolutif » ?
La peinture abstraite a quelque chose à dire, on a quitté le récit et l’image, mais c’est ce qui nous a fait rentrer dans la modernité. Je ne suis pas dans le divertissement et je ne veux pas rentrer dans des cases. J’ai eu de grosses difficultés dans mon enfance et arrive un jour cette phrase : « l’art est un anti-destin ». C’est comme si Malraux me donnait le feu vert. Je pouvais faire quelque chose d’autre que mes parents. Au départ, je manquais d’expérience en dessin pour pouvoir improviser de façon gestuelle, les formes se cassaient la gueule. Puis j’ai appris en observant les équilibres, en canalisant ces forces pour trouver une forme, une structure. Quelque part, cette pulsion débouche sur une construction mentale. Mon abstraction n’est pas pure, contrairement à celle des années 50. Il faut faire des expériences, que ce soit vivant et pas rigide. En tant que peintre, je n’ai pas peur d’intégrer d’autres éléments que la peinture. Avant, pour mes grandes toiles, j’avais toujours l’impression de partir de rien. Puis je me suis rendu compte que la mémoire intervenait de façon inconsciente. Il y avait des liens entre mes photos et mes lavis, les rythmes étaient proches. Mon carnet de croquis, c’est la photographie.

Septembre 2021