Jean-Baptiste Andrea – L’art comme rempart contre la tyrannie
>> À l’occasion de La Fête du Livre du Var les 17,18,19 Novembre 2023
Son précédent roman, « Des diables et des saints » était lauréat du Prix des Lecteurs du Var en 2021. Il revient cette année présenter « Veiller sur elle », déjà Prix Fnac et en lice pour le Prix Goncourt, une grande fresque romanesque autour de l’histoire de Mimo et Viola, que tout oppose mais qui ne veulent se séparer, dans une Italie qui bascule dans le fascisme.
Après un pianiste dans votre précédent roman, pourquoi choisir de nouveau un artiste, sculpteur, comme personnage principal ?
Tout d’abord, je pense que je me projette dans ces personnages qui doivent conquérir des obstacles pour devenir artiste, je dramatise un peu mon propre parcours d’écrivain, même si je n’ai pas eu une vie aussi romanesque. Je veux aussi écrire sur la joie que nous procure l’art. Actuellement, nous sommes entourés de noirceur de toutes parts, il ne faut pas la fuir d’ailleurs, mais il faut aussi parler de la joie, que moi je trouve dans l’art, ou dans la nature. J’ai écrit sur la musique car j’adore et connais bien, mais je ne suis pas connaisseur en sculpture. Elle symbolise ici l’art en général, qui est un peu de lumière dans les ténèbres mais aussi un des derniers remparts contre la tyrannie. Et ce livre parle beaucoup de tyrannie : politique, car l’intrigue se passe sur fond de montée du fascisme, mais aussi de l’intime, avec la tyrannie patriarcale imposée à Viola, ou la tyrannie des héros quand ils s’empêchent eux-mêmes d’aller où ils voudraient aller.
« Veiller sur elle » raconte une histoire d’amour entre deux personnes que tout oppose. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette relation ?
D’un côté, nous avons un sculpteur fauché, sans perspective sociale ni ambition et qui est un homme. De l’autre, une femme avec une ambition dévorante, d’une intelligence supérieure et d’un mieux social aisé. Leurs chances de se rencontrer sont minimes, ce qui rend leur histoire improbable et en fait un bon sujet romanesque. C’est une histoire d’amitié ou d’amour qui va les faire traverser un demi-siècle d’Histoire italienne. J’ai personnellement des amitiés fortes dans ma vie et on retrouve souvent ce thème dans mes livres.
Pourquoi avez-vous choisi l’Italie comme cadre pour cette histoire ?
C’est un pays qui a une signification particulière pour moi. J’habite à Cannes, et c’est le premier pays étranger que j’ai visité et j’y ai découvert l’art. De plus, c’est le pays de mes ancêtres, mais les liens ont été distendus au fil des générations, car les Italiens qui immigraient en France faisaient tout pour faire oublier leur origine, pour des problèmes de racisme. Grâce à ce roman, j’ai pu me reconnecter virtuellement avec mes racines, ce qui a dissipé une certaine frustration.
Vous avez reçu le Prix des Lecteurs du Var en 2021 et pour ce roman le Prix Fnac et vous êtes en lice pour le Prix Goncourt. Quel effet cela vous fait-il et comment expliquez-vous ce succès ?
On ne s’y attend pas vraiment. On se lève le matin en espérant seulement avoir écrit une bonne histoire, et avoir la reconnaissance de ses pairs est un honneur immense. Mon désir en tant qu’auteur est de raconter des histoires : j’aime que l’on m’en raconte et je rencontre souvent des lecteurs qui me disent « merci de m’avoir raconté une histoire car c’est rare ». La tradition romanesque pure dans la littérature française aujourd’hui est presque considérée comme une sous-littérature, mais pour moi, les plus grands auteurs français sont des auteurs romanesques. Et j’essaie également de rendre mes histoires universelles pour que les lecteurs puissent se reconnaitre dans celles-ci.
Vous êtes de la région, que représente la Fête du Livre du Var pour vous ?
C’est l’un de mes festivals préférés. C’est très agréable d’aller à un festival sans avoir à traverser toute la France et j’ai toujours été chaleureusement accueilli ici. De plus c’est un festival très populaire et très joyeux. Et en général il fait beau, et comme tout bon sudiste, la pluie me déprime !
Fabrice Lo Piccolo