Joana Vasconcelos, l’Art doit questionner.
EXPOSITION JUSQU’AU 18 NOVEMBRE
HOTEL DES ARTS – TOULON
Joana Vasconcelos, artiste plasticienne portugaise, a exposé à la biennale de Venise, au château de Versailles et récemment au Guggenheim de Bilbao. Elle investit l’Hôtel des Arts de Toulon, créant notamment pour l’occasion une « Valkyrie » monumentale.
Vous créez vos Valkyries, hommage à la femme, en fonction du lieu où vous exposez. Cette fois, vous avez décidé de faire un hommage aux hommes, qu’est-ce qui vous a inspiré ce changement ?
Je crée ces Valkyries depuis quinze ans. Elles sont inspirées de la mythologie Viking, où ces déesses voyageaient sur les champs de bataille pour y recueillir les guerriers et monter au ciel avec eux. J’envahis un espace muséal, froid et angulaire, créé par des hommes, avec les formes organiques et généreuses de textiles colorés (souvent utilisés par des femmes). C’est la première fois que je masculinise une Valkyrie. Je l’ai intitulée « It’s raining men » en référence à la chanson des Weather Girls et à cette pop culture que j’aime tellement. Pourtant elle continue à être une figure féminine composée de vêtements masculins, ce qui questionne le concept de genre imposé par notre société.
Vous présentez ici des œuvres de l’ensemble de votre carrière, est-ce un travail différent ?
Chaque exposition est différente et a sa propre personnalité, qui dépend souvent du lieu qu’elle habite. Comme mes œuvres, qui peuvent être ouvertes à plusieurs interprétations, monter une exposition l’est tout autant, ce qui nous aide à élargir nos perspectives et nos connaissances. « Exagérer pour inventer », dont le curateur est Jean-François Chougnet, rassemble d’anciennes et de plus récentes œuvres, qui traitent de la vie de tous les jours, et de la place des femmes dans la société contemporaine. C’est presque l’exact contraire de l’exposition que j’ai réalisée deux semaines avant au Guggenheim de Bilbao. Celle de l’Hôtel des Arts montre des pièces moins monumentales, plus à l’échelle du foyer, que les habituelles.
Vous détournez souvent des objets du quotidien, voire d’autres œuvres d’art, comme l’urinoir de Duchamp, c’est une façon de réinventer le monde ?
J’explore les différentes significations des objets. Chacun porte une histoire et un sens. L’appropriation, la décontextualisation, et la subversion du sens des objets créent une allégorie. Nous détournons pour créer un discours, qui ouvre de nouveaux horizons. Je travaille souvent avec des objets du quotidien qui portent le poids du passé : les symboles et objets qui nous entourent, ou les comportements de la société contemporaine… Je trouve qu’ils ont un potentiel signifiant incroyable. Ma série d’urinoirs, ici « Marcel Marcel » (2017), peut être vue comme une réinterprétation contemporaine du célèbre ready-made de Duchamp, d’un point de vue féminin : cet objet masculin est repris et habillé d’un élément féminin, une pièce fait main, au crochet, rose et blanche !
Vous dénoncez de nombreuses facettes de la société, pour vous l’art doit forcément l’améliorer ?
Bien sûr ! L’Art doit questionner. Je veux confronter les gens à la critique et générer de nouvelles discussions et de nouveaux points de vue sur la société. En tant qu’artiste, je dois penser la réalité pour la questionner et faire des œuvres qui élargissent les horizons. J’espère que mon travail peut générer de nouvelles façons de voir, c’est le but de l’art de se poser des questions sur soi-même et le monde. On peut arriver à identifier certaines des questions qui alimentent mon travail : le genre, le local et le global, le privé et le public, la notion de goûts, etc., mais ce n’est pas mon intention car je ne veux pas être cloisonnée dans une seule interprétation.