Laurent Melin – L’artiste est un porte-parole de la communauté.

Les 26 août et 9 septembre 2023 à l’abbaye du Thoronet

Parmi les nouveautés de cette année, nous trouvons le compositeur associé. Luc Coadou a fait appel à Laurent Melin, professeur tout comme lui au Conservatoire TPM, pour composer deux motets que l’on découvrira dans le cadre du douzième cycle de concerts « Entre pierres et mer ». Laurent Melin nous présente son parcours ainsi que son travail de composition.

Comment est née votre envie de devenir musicien et quel parcours avez-vous suivi ?
J’ai découvert la musique tout bébé. Le destin veillait au grain. Nous vivions en dessous d’un appartement de pianistes. Dès que j’entendais ce son magique, je lâchais tout et restais assis par terre à écouter, béat. Puis j’ai eu un parcours assez traditionnel, j’ai étudié la musique au conservatoire dans ma ville et, après le Bac, j’ai décidé d’en faire ma vie. J’ai voyagé pour étudier dans plusieurs conservatoires où j’ai notamment appris la composition. J’ai d’abord été chef d’orchestre, mais je n’avais plus assez de temps pour composer et mon équilibre personnel s’en trouvait affecté. J’ai donc changé d’orientation professionnelle et je suis arrivé au Conservatoire TPM, où j’enseigne à la fois la culture musicale, l’orchestration, la direction d’orchestre et la composition. Luc est un collègue du conservatoire depuis de nombreuses années, c’est ainsi que j’ai connu Les Voix Animées. J’aime la confrontation entre le répertoire de création et la musique ancienne dans leur travail. J’ai hésité à écrire pour des voix pendant longtemps. J’avais créé une première pièce il y a une dizaine d’années sur des poèmes de Robert Desnos qui étaient lus et non chantés. Puis j’en ai réalisé une autre pour douze voix de femmes accompagnées par un orgue, sur le texte du « Salve Regina ». Cette fois-ci, ce sera pour des voix a cappella et qui plus est, pour l’abbaye du Thoronet ! Je travaille sur cette commande en ce moment d’ailleurs.

Qu’est-ce qui vous intéresse particulièrement dans la composition ?
C’est un moyen de s’exprimer. Un créateur est une personne qui vit un bouillonnement intérieur. Ça frémit et parfois ça bouillonne plus fort, il faut que ça sorte. J’aime créer des univers sonores, j’ai des idées musicales qui s’imposent à moi comme des évidences. Je souhaite qu’une partie de mon univers prenne vie et sorte de moi. C’est un travail de maturation, d’élaboration, de mise en espace sonore et de mise en forme. À un moment l’œuvre est là, ou pas, car il y a parfois des échecs mais en général le projet va jusqu’à son terme.

Quelle est la particularité de composer pour un ensemble vocal ?
La voix est un merveilleux instrument sur le plan expressif mais elle présente des contraintes propres. C’est une des raisons qui me faisait hésiter même si j’ai moi-même chanté dans ma jeunesse. Par ailleurs, il faut tenir compte du lieu où l’œuvre sera interprétée. L’abbaye du Thoronet est un lieu unique avec une sonorité rare et une réverbération particulièrement longue. Il faut magnifier les voix dans cette acoustique très spécifique. Nous irons prochainement avec Luc au Thoronet pour l’expérimenter in situ. Ensuite viennent les mots, il faut un coup de foudre pour un texte et son sujet. Les Voix Animées sont un ensemble professionnel, on peut traiter chaque voix comme une voix soliste. L’effectif à six voix permet de riches possibilités harmoniques, ce qui correspond bien à mon langage musical. Je suis particulièrement heureux de cette commande qui tombe au bon moment après la période que nous venons de traverser. Un artiste est un porte-parole de la communauté, un médiateur. Il est important pour moi de traduire cela dans les deux motets que je compose pour Les Voix Animées.
Justement, comment avez-vous choisi le texte que vous mettez en musique ? Ce texte est court et il est issu du « Gloria » : « Et in terra pax hominibus bonae voluntatis », paix sur la Terre à tous les hommes de bonne volonté. Luc Coadou souhaitait que je compose deux motets, un pour chaque concert, j’ai donc composé un motet en deux parties. Ils seront créés séparément mais conçus comme un diptyque avec deux volets qui pourront être donnés indépendamment ou l’un après l’autre. Le premier motet, « Et in terra », nous parle de la matérialité et des affres du monde terrestre. Nous venons de traverser des moments sombres, nous en trouvons les traces et les stigmates dans ce premier volet. Le deuxième motet, « Pax hominibus », est en quelque sorte le contrepoids du premier, un prolongement et une échappée vers quelque chose de plus vertical, de plus spirituel, une paix qui nous fait cruellement défaut aujourd’hui.

 

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