Louis Arene – Une traversée des ténèbres qui conduit vers la joie…

>>« Makbeth » à Châteauvallon à Ollioules les 26, 27 et 28 février

Pour le Munstrum Théâtre, créé par Lionel Lingelser et Louis Arene – qui répond à nos questions – le « Macbeth » de Shakespeare devient le « Makbeth » d’un monde “d’après la catastrophe » où les acteurs aux masques et costumes formidables rejouent à l’infini le cycle absurde de l’insatiable besoin humain de s’approprier le pouvoir, même sur un monde réduit en cendre.

Pouvez-vous présenter le concept du Munstrum théâtre ?

Cette compagnie de théâtre a été créée en 2012, principalement autour de l’objet masqué. Le masque est l’objet théâtral par excellence, captivant parce qu’ancestral, présent sur tous les continents et dans toutes les civilisations. Il sert à communiquer avec les Dieux, pour la fête, le théâtre… Notre recherche s’est donc axée autour de cet objet polymorphe qui exerce sur nous une grande fascination et nous avons souhaité l’utiliser pour faire un théâtre d’aujourd’hui. Le masque était tombé en désuétude, trop souvent assimilé à la Commedia dell’arte, mais Lionel Lingelser (co-créateur de la compagnie) et moi, avons pensé que cet objet était plus complexe que cela et qu’il nous permettrait de travailler sur le comique, mais aussi sur des théâtralités différentes et plus mystérieuses. Depuis 2012 nous essayons donc de réinventer le masque aussi bien concrètement, dans sa fabrication, que dans les façons de le confronter à des écritures contemporaines ou à des créations originales. Dans les obsessions de la compagnie il y a également le travail sur la figure du monstre, c’est donc un théâtre de l’excès, de l’extravagance, joyeux et qui fait le grand écart entre le comique et la tragédie. Et puis, le fil rouge de tous nos spectacles est la catastrophe, qui résonne comme un écho aux angoisses contemporaines.

Pourquoi réinventer « Macbeth », ce texte sombre de Shakespeare ?

Intuitivement, je dirais qu’il y d’abord eu un attrait pour l’univers des sorcières et le côté fantastique de la pièce. Il nous est également apparu évident que cette figure monstrueuse du tyran correspondait malheureusement à celle de beaucoup de leaders politiques de notre époque. C’est la pièce la plus sombre de Shakespeare, et nous avons voulu nous y plonger, non pour nous repaître de ses ténèbres, mais parce que le fer de lance du Munstrum Théâtre est la joie et, en regardant notre époque en face, nous avons décidé que l’expérience de notre « Makbeth » serait comme un rituel pour affronter ces ténèbres que nous traversons collectivement, dans le but d’aller vers la joie, de traverser la noirceur et de réinsuffler de la vitalité et de la lumière, surtout pour la jeune génération.

Quelle esthétique avez-vous choisi pour cette œuvre mythique ?

L’esthétique est bien sur celle d’un spectacle de 2025, avec des inspirations du Moyen-âge, qui est l’époque de la pièce. Mais, comme souvent dans nos spectacles, c’est aussi l’ambiance d’une sorte de futur, comme un monde “d’après“, d’après la catastrophe, où l’histoire des humains et de leurs envies de pouvoir continue à se jouer sur une terre dévastée où ils s’entretuent encore pour un royaume de cendre. « Makbeth » met en valeur la folie et l’absurdité du cycle du pouvoir…

Que faites-vous de la malédiction qui pèse sur Macbeth, le fait de prononcer le mot, de jouer la pièce ?

Ma part rationnelle n’en fait pas cas, car si l’on avait déclaré que “La Tempête“ par exemple, était une pièce maudite, on aurait répertorié tous les incidents qui se seraient déroulés pendant les représentations et on en aurait trouvé ! Mais peut-être par superstition, nous avons légèrement changé le nom de la pièce et certaines petites choses liées aux sorcières, donc nous devrions être à l’abri de cette malédiction !

Weena Truscelli

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