Manon Balthazard – Un seule-en-scène rythmé et poétique.
« Cassandra », le 19 décembre à l’Espace des Arts au Pradet
Actrice de théâtre et de cinéma, la pradétane Manon Balthazard jouera son premier seul en scène au profit de la lutte contre la mucoviscidose : « Cassandra », une plongée grinçante et poétique dans le quotidien d’une actrice dotée d’un don divinatoire dont personne ne veut croire les visions.
Comment débute ton histoire avec le théâtre ?
J’ai découvert le théâtre au collège à Carqueiranne. Puis j’ai participé au centenaire du Pradet en 1994, où je jouais de la commedia dell’arte. J’avais quatorze ans et je me suis dit : « c’est ce que je veux faire ». Je dansais déjà depuis mes trois ans, et j’adorais m’exprimer par le corps. J’ai en suite intégré la compagnie varoise Le Bruit des Hommes pendant trois ans, avant de partir à Paris. Là, j’ai travaillé avec plusieurs coachs, et j’ai décroché mon premier rôle au cinéma, dans un film avec Vanessa Paradis, où j’interprétais une institutrice. C’était magique. Puis le théâtre est revenu sur mon chemin : théâtre de rue, travail de la voix… Aujourd’hui, j’alterne entre contrats théâtre et projets à l’image.
Qu’est-ce qui t’a séduite dans ce texte de Rodolphe Corrion ?
« Cassandra » est une pépite pour une comédienne. On traverse mille émotions : c’est drôle, grinçant, poétique, très chorégraphié aussi. C’est ma première expérience en seule-en-scène et j’avais peur de ce challenge : tenir le spectateur pendant une heure dix, maintenir le rythme, enchaîner les tableaux. On plonge dans le quotidien d’une actrice dotée d’un don divinatoire — comme la Cassandre de la mythologie — mais que personne ne croit. Elle décroche le rôle de sa vie… avant de devenir présidente de la République. Le spectacle critique le monde de l’image : c’est grinçant, mais aussi très poétique. Nous avons eu un soutien important de la municipalité du Pradet. J’ai bénéficié de trois semaines de résidence en 2023, ce qui nous a permis de travailler la lumière avec Stéphane Poirrier, régisseur de l’Espace des Arts, et de monter le spectacle dans d’excellentes conditions. Nous avons même pu faire une sortie de résidence. Sans un lieu artistique complet comme celui-ci, il est impossible de se projeter et d’avancer. Et je suis bénévole depuis des années pour l’association Vaincre la Mucoviscidose. On s’est dit que ce serait beau d’organiser une représentation entièrement au profit de l’association. L’intégralité des recettes sera reversée. C’est très important pour moi.
Toi, présidente de la République : un rêve ?
Pas du tout ! (rires) Je n’aime pas cet univers. Ce qui m’intéressait, c’est de montrer qu’aujourd’hui on encense davantage la forme que le fond. Parfois, le talent ne suffit pas : certains sont portés par les médias, presque malgré eux. La pièce interroge surtout notre place dans la vie : doit-on suivre nos passions ou jouer un rôle ? Car Théodora, l’héroïne, rêve uniquement de scène et de castings, mais on la pousse vers la politique. Et avec son don, elle se retrouve face à l’incrédulité du public. Ce n’est pas une pièce sur la politique, mais sur les masques que nous portons.
Parle-nous de la mise en scène de Loïc Bartolini.
Les décors sont simples mais très poétiques. La création lumière de Stéphane, réalisée au Pradet, donne une ambiance cinématographique — normal, l’héroïne est
actrice. C’est une mise en scène très rythmée : je change de costumes, je danse, je passe d’un personnage à un autre. Loïc m’a laissé faire beaucoup de propositions, puis nous avons affiné ensemble. Il fallait travailler les changements rapides, les déplacements, les débits de parole… C’est très physique, et on ne s’ennuie pas.
Fabrice Lo Piccolo