Mariana Sadovska – L’art contre la guerre.
>> Vendredi 10 novembre à 20h30 au Liberté à Toulon
Mariana est une chanteuse et claviériste ukrainienne très célèbre dans son pays. Elle a créé ce ciné-concert sur l’un des chefs-d’œuvre de Dovjenko, « La Terre », à la Cinémathèque Française et le donnera au FiMé au profit d’une association de soutien à l’Ukraine.
Type de musique
Musiques du monde anciennes et contemporaines.
Spécialité
Électronique, techniques de chant ukrainien, chant à gorge déployée et expérimentation vocale.
Souvenir de ciné-concert
J’ai donné une performance à Kiev au centre Dovjenko, qui abrite les archives du cinéma ukrainien. J’étais très intimidée car tout le monde connaît ce film et d’incroyables artistes et intellectuels étaient présents. Mais après le film, j’ai eu droit à une standing ovation et le public m’a dit qu’il avait pu redécouvrir le film d’une nouvelle manière !
Mariana, vous êtes souvent appelée la Björk ukrainienne. Qu’en pensez-vous ?
C’est amusant de voir comment les journalistes essaient de trouver des étiquettes pour votre travail. Je suis curieuse, je ne répète pas, je recherche constamment de nouvelles voies et je travaille avec différents artistes. Je peux créer de la musique jazz, de l’ethno-world… Aucune étiquette ne peut me définir. Je suppose que c’est à cause de ma manière d’utiliser la voix que l’on me rapproche d’elle. De toute façon j’adore son travail. Ma principale source d’inspiration réside dans la musique traditionnelle ukrainienne, découverte dans les villages à travers des recherches ethnographiques et des conversations avec les anciens. J’aime dire que je suis musicienne, jouant avec les éléments de l’art vocal, la musique expérimentale, le jazz électronique, le nouveau classique. Mes racines sont profondément ancrées dans la musique ukrainienne.
Les recettes de ce ciné-concert seront reversées à l’Association Franco-Ukrainienne Côte d’Azur. Quelle importance cela revêt-il pour vous ?
Cette invasion massive nous a incités à monter sur scène pour soutenir les réfugiés mais aussi l’armée ukrainienne, la résistance. Tous mes concerts sont en soutien à la cause, car mes honoraires servent à soutenir la résistance. Je connais des artistes qui sont sur le front en ce moment ! J’ai créé le mouvement « Art against war », l’art contre la guerre, et nous avons réuni beaucoup de fonds pour acheter des drones, des gilets pare-balles, pour soutenir l’effort de guerre…
Justement, que peut faire l’art contre la guerre ?
L’art soutient notre esprit, ce qui fait que nous sommes humains. Il nous aide à combattre la peur, l’arme des terroristes. Les premières personnes qui viennent en aide sont les artistes, tous ceux que j’ai rencontrés au cours de ma longue carrière nous aident. Avec une donation que j’ai reçue, j’ai pu fournir des équipements radio à l’armée. Quelques semaines plus tard, j’ai reçu une lettre du front me disant que sans cette radio pour communiquer, beaucoup de soldats seraient morts. L’art sauve nos âmes, mais aussi nos vies.
Pourquoi avez-vous choisi ce film pour créer un ciné-concert ?
C’est Irena Karpa, une écrivaine ukrainienne qui m’a demandé il y a quelques années de préparer une bande sonore pour ce film, que j’aime beaucoup. Il a été réalisé dans les années 30 mais il est très contemporain. C’est très lent, nous ne vivons plus de cette manière aujourd’hui, mais il reste très actuel. Je suis heureuse de pouvoir montrer ce chef-d’œuvre et de le rendre accessible à tous. C’est un peu une méditation sur la vie elle-même, qui n’est pas noire ou blanche, et sur la beauté qui nous entoure si nous ralentissons pour la découvrir. Il nous rappelle également l’importance de connaître l’histoire de l’Ukraine. Il traite des kolkhozes et se situe juste avant le génocide de Staline. Le film a été réalisé avec des acteurs mais aussi des villageois que vous voyez vivre. C’est presque un documentaire, et cela montre combien cette guerre est cruelle, quelques années plus tard.
Quelle musique avez-vous créée pour accompagner ce film ?
J’utilise beaucoup de chansons traditionnelles ukrainiennes. Pour la scène de récolte j’utilise une chanson sur la récolte, de même, pour la scène de funérailles, j’utilise des chants destinés à aider à surmonter la douleur et la séparation, de belles chansons d’amour enregistrées dans la région où le film a été réalisé. Ce film pose de nombreuses questions contemporaines. D’un côté, notre vie est meilleure mais d’un autre, nous avons de nouveaux problèmes, dont l’écologie. J’ai décidé de mêler des sons d’aujourd’hui, de l’électronique, à des sons anciens et des chansons traditionnelles. J’utilise par exemple le chant des baleines qui serait comme les pleurs de la nature. Le plus grand défi était de ne pas surcharger le film qui est calme et contemplatif, de trouver des sons qui lui correspondent et nous permettent de mieux prêter attention aux images. Moi j’accompagne, le soliste c’est le film.
LA TERRE
D’Alexandre Dovjenko (1930)
Film muet – URSS – N&B – 75 min.
Avec Stepan Chkourat, Semion Svachenko, Youlia Solntzeva.
En ukraine, la collectivisation des terres divise violemment les habitants d’un petit village. Le jeune paysan Vassili, ardent communiste, démontre l’efficacité du nouveau tracteur tout en renversant le bornage des expropriétaires, les koulaks. Après avoir passé la nuit chez sa fiancée, son allégresse manifestée par la danse est brutalement interrompue par un coup de feu qui l’abat sur le chemin du retour.
Spectacle créé à la Cinémathèque Française lors de l’événement Slava Ukraïni ! le 2 septembre 2022 en partenariat avec l’Académie des Beaux-Arts.