MARIE-ANGE TODOROVITCH – Une voix de comtesse

“La Dame de Pique”
3, 6 et 8 mai 2022
Opéra de Toulon

La cantatrice interprètera, lors de trois représentations à l’Opéra de Toulon, la comtesse dans le chef-d’œuvre signé Tchaïkovski et mis en scène par Olivier Py, « La Dame de Pique ».

 

Avant d’interpréter le premier rôle féminin, vous aviez auparavant prêté votre voix à Pauline dans « La Dame de Pique »…

Je jouais effectivement Pauline au Glyndebourne Festival Opera. A l’époque, c’était une grande dame, Felicity Palmer, qui jouait le rôle de la comtesse et j’étais alors loin d’imaginer qu’un jour j’interpréterais ce rôle-là. C’est la chance qu’ont les mezzo : on commence par des rôles de jeunes pages, puis, avec l’évolution de la voix et si on a des qualités d’actrices, on peut progresser vers ces rôles de composition. Aujourd’hui, j’ai une grande admiration pour les jeunes qui sont autour de moi. J’ai pu revenir sur cet opéra et beaucoup d’autres en interprétant désormais des rôles de vieilles dames : avec l’âge, on prend de la largeur dans la voix et de la profondeur. C’est une grande chance que d’être, trente ans plus tard, toujours dans l’ouvrage.

On lit que la mise en scène d’Olivier Py est audacieuse et provocatrice. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Ce n’est pas de la provocation : c’est son monde, sa vision et elle est juste. Des gens peuvent être choqués par certaines scènes ou costumes. On n’est plus dans les belles rues de Saint-Pétersbourg mais dans un immeuble un peu délabré. C’est bizarre sur l’instant mais c’est tellement fort, tellement puissant. Je connais bien Olivier pour avoir travaillé auparavant avec lui dans les Contes d’Hoffmann, tout comme avec Pierre-André Weitz : ils sont fidèles à un univers et c’est déroutant si on ne le connaît pas. La dimension musicale est aussi très forte : j’arrive à être émue lorsque je suis sur le plateau et que j’entends, dans un moment où je ne chante pas, les voix qui vibrent. Je dois rendre hommage à Daniel Izzo qui connaît tout par coeur, c’est un musicien hors pair et il fait la chorégraphie de cet opéra.

Vous démontrez dans « La Dame de Pique » vos capacités linguistiques en russe. Quelle est la richesse de cette langue pour l’opéra ?

Elle fait partie des langues très faciles à chanter. J’ai appris cette langue au lycée, je suis d’origine serbe et je lis le cyrillique donc c’est une langue qui me parle, bien que je continue à toujours travailler avec les chefs de chant russes pour m’améliorer et me remettre en question. C’est une langue qui est vraiment faite pour l’opéra : elle sonne bien, est plus ronde et plus large encore que la langue française. Le russe est génial à chanter. La plupart des ouvrages sont en italien, français, russe et allemand.

Grimée en octogénaire, vous faites preuve d’une transformation physique. Votre voix change-t-elle ?

Non, c’est ma voix, je ne triche pas : le chanteur ne peut pas tricher. A aucun moment je ne grossis la voix pour faire un effet : je chante les notes qui sont écrites. Ma voix s’est certes amplifiée avec l’âge mais le timbre est toujours le même, il ne bouge pas.

 

Romane BRUN