Michaël Beerens – La mer et le béton.

ARTS GRAPHIQUES
Deeplight
Port de Toulon

Toulon, ville étrange où l’eau se donne à voir sans horizon, protégée derrière un mur de béton, questionne depuis toujours son rapport à la mer. « Deeplight » fait la paix entre le monde urbain et le monde marin en épurant les alentours de la “Frontale” et en reconnectant les éléments grâce à une… “Passion bleue”.

Comment est née la série Deeplight ?

La série est née en 2015. Avant cela, je travaillais sur une série plus figurative : « Modern Fables ». Je pointais du doigt certains problèmes sociétaux au sujet de la cause animale et de l’écologie de façon assez virulente. Puis, je suis arrivé au bout de ce concept et j’ai voulu partir sur une nouvelle série plus abstraite et moins moralisatrice. Pour la cop21, on m’a commandé une fresque au sol à la sortie du métro « Fort d’Aubervilliers ». Comme le sujet des Océans n’était pas vraiment abordé, j’ai choisi de représenter ce banc de poissons tournoyant dans la lumière, très inspiré par mon expérience de plongée sous-marine.

Pourquoi avoir fait cette fresque à Toulon ?

En 2018, j’ai fait une fresque de la même série sur le phare de St-Tropez. La personne avec qui j’ai travaillé sur ce projet bossait pour une association, « Time for the ocean » et m’a mis en relation avec Charles Berling. Charles m’a parlé du thème de programmation « Passion bleue » et nous avons tout de suite imaginé ma fresque. Avec le COVID, le Théâtre Liberté-Chateauvallon a dû reporter ses événements, mais j’ai eu la chance de travailler avec eux durant cette période complexe. Je connaissais déjà Toulon, j’étais déjà venu plusieurs fois dans la région pour plonger, mais je suis venu en repérage au mois de septembre pour sélectionner le mur idéal, puis j’ai proposé une maquette pour obtenir les autorisations requises. Le théâtre m’a permis d’obtenir celui que je voulais, avec une superbe exposition sur le port. Ce qui m’intéressait, c’était d’avoir un point de vue éloigné. Je voulais connecter le mur et le ciel par le même bleu. Nous étions deux sur la nacelle avec mon assistant. J’ai pu réaliser la fresque en sept jours.

Comment finit-on par combiner le graffiti et le monde sous-marin ?

J’ai découvert la plongée assez jeune, vers mes huit ans, en France, puis en Turquie et j’ai fait une formation à l’INTP de Marseille pour devenir vidéaste sous-marin. Ce qui m’inspire, c’est la spéléo-plongée, car dans les grottes, il fait un peu plus chaud et les poissons vont s’y regrouper et s’y réchauffer. Il y a souvent du mouvement et la luminosité y est très particulière : avec le contrejour c’est vraiment très beau ! C’est important de partager son engagement et pour moi, l’image est le meilleur moyen de le faire. Finalement, le street art m’a paru plus percutant. Pendant le confinement, on a vu la nature reprendre ses droits. Vis-à-vis de l’écologie, c’était un beau moment d’espoir, il y a eu beaucoup moins de transports aériens et maritimes, on a laissé les poissons se reproduire tranquillement. Aujourd’hui, l’Europe a donné des subventions pour soutenir les pêcheurs, nous allons voir ce que ça va donner. Je fais aussi pas mal d’ateliers dans les écoles où je questionne les enfants au sujet de la mer. Le Musée du Louvre m’envoie régulièrement dans des établissements scolaires. Je veux amener la mer là où on ne l’attend pas, dans des endroits qui ne sont pas naturels, pour sensibiliser les gens des villes et des quartiers : peindre la nature contre la morosité quotidienne du béton. Maureen Gontier

Site Internet : www.michaelbeerens.fr

Page Instagram : michaelbeerens

Avril 2021